Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur !
O douleur ! Ô douleur !
Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Il y a dans l’acte d’amour une grande ressemblance avec la torture ou avec une opération chirurgicale.
Le vin rend l’oeil plus clair et l’oreille plus fine !
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
L'inviolabilité de la Belgique
"Qu'on ne me touche pas ! Je suis inviolable !"
Dit la Belgique. - C'est hélas ! inconcevable.
Y toucher ? Ce serait, en effet, hasardeux,
Puisqu'elle est un bâton merdeux.
L'Amour est assis sur le crâne
De l'Humanité,
Et sur ce trône le profane,
Au rire effronté,
Souffle gaiement des bulles rondes
Qui montent dans l'air,
Comme pour rejoindre les mondes
Au fond de l'éther.
J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal
Qu'enflammait l'orchestre sonore,
Une fée allumer dans dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal
Un être qui n'était que lumière, or et gaze,
terrasser l'énorme Satan ;
mais mon cœur, que jamais ne visite l'extase,
Est un théâtre où l'on attends
Toujours, toujours en vain, l’Être aux ailes de gaze !