La prison est une simple extension de la pierre, terne, grise, ingrate.
Les bons moments passaient trop vite.
En s’appuyant sur cette expérience, il s’imagine qu’un refus s’exprimerait plutôt ainsi : « Ne m’écris plus espèce d’enculé. » Ou encore : « Nique ta mère. » Le garçon ignore aussi ce qu’est l’ironie, pourtant il sent bien émaner quelque chose de cette lettre. Il sait que ces mots en disent plus long que les apparences le laissent croire.
Steven s’est senti humilié. Comme un petit garçon qu’on aurait pris en flagrant délit avec une moustache postiche alors qu’il tentait d’aller voir un film interdit aux moins de dix-huit ans.
Cette froideur l’effraie, pourtant il s’y accroche comme à une bouée – c’est un peu comme avoir une autre personne dans sa tête, qui prend les décisions à sa place –, et c’est la seule raison qui l’empêche de se recroqueviller dans la bruyère en pissant de peur, pour s’abandonner à la fatalité.
Désormais, il connaît la différence entre les tueurs organisés et les désorganisés ; il sait que certains cherchent à se donner des sensations, et que d’autres collectionnent les trophées ; que certains repèrent et traquent leurs proies, alors que d’autres frappent quand l’envie les prend. Il a lu des histoires de chiots écrasés et de chats écorchés ; d’agresseurs et d’agressés ; de voyeurs, de pyromanes, de massacres frénétiques et de dissections cliniques.
Souffle et lande foulée, souffle et lande foulée.
Exmoor sous son pire aspect.
Racines tortes qui attrapent et étranglent, bruyère mouillée qui fouette, épines d’ajoncs qui giflent. Boue qui glisse et enlise.
La brume est un épais voile blanc. Ou un suaire. Elle glace les paupières, s’immisce par les narines, s’amasse dans la bouche béante – ses doigts détrempés caressent les sens de souvenirs d’enfance de bord de mer et de présages de mort.
Mais par-delà tout cela, souffle et lande foulée, souffle et lande foulée.
Qui tendent vers un but !
Chaque lettre lui a fait revivre un peu de sa gloire passée, et tout le monde aime se souvenir de ses heures de triomphe.
Quand on a un don, il faut s’en servir. Un footballeur joue au foot, un tricheur triche, une personne intelligente se montre plus maligne que les autres. C’est darwinien.
Les détenus les plus malins sont bien obligés de reconnaître qu’ils ont commis une grave erreur puisqu’ils ont été arrêtés.