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Critique de Dandine


Je lis Hotel Berlin 43 et j'y retrouve la meme matrice que celle utilisee par l'auteure pour son Grand Hotel, 14 ans auparavant. Encore une fois, unite de temps et de lieu, comme dans une piece de theatre. Des types de personnages semblants en nombreux points. La, c'etait une danseuse-etoile sur le retour, ici une comedienne vedette. La, un baron voleur qui s'amourache d'elle avant d'etre attrape, ici un opposant au regime qui se cache dans sa chambre et eveille en elle un amour impossible. La, un capitaine d'industrie qui perd l'affaire pouvant sauver son usine et est mis au ban, ici un general qui a participle a un complot rate contre le dictateur et est force de se suicider. La, un portier angoisse par l'accouchement difficile de sa femme, ici il est angoisse parce qu'il a ete appele aux armes malgre son age. Ici et la, une jeune femme qui ne possede que ses reves, amenee a se prostituer. Et toujours, au dessus de la melee, observant tout, comprenant tout, dedaignant tout et tous mais leur venant en aide quand il faut, un vieux docteur desabuse et morphinomane.


Et pourtant ca marche. C'est une lecture interessante, meme quand on fait le rapprochement entre les deux livres. Peut-etre plus encore, justement quand on le fait.
Parce que ce livre, publie en 1943, decrit des evenements (et une atmosphere) qui se sont reellement deroules, mais plus tard. Par exemple, le complot des officiers de l'armee contre Hitler dont il est question n'a eu lieu qu'en juillet 1944. Baum decrit un Berlin bombarde massivement. Or, s'il y a eu quelques raids aeriens sur cette capitale pendant toute la guerre, la strategie alliee de bombardements destructifs pour demoraliser et faire plier les allemands ne fut decidee que fin 1943 et pratiquement mise en oeuvre qu'en 1944, d'abord des bombardements nocturnes, et beaucoup plus tard de jour. Baum detaille les essais de dignitaires nazis de fuir et de rejoindre un asile sur au loin. Cela aussi est quelque chose qui ne s'est produit qu'a la fin de la guerre, en 1945. C'est comme si, anticipant les evenements, Baum ecrivait en visionnaire.


Mais meme si on n'est pas feru d'histoire, si on ne sait rien sur la deuxieme guerre mondiale, le livre est remarquable. Baum sait nous interesser avec les intrigues des differents organismes nazis, qui se livrent en fait une guerre interieure, les SS contre la Gestapo et tous contre l'armee de metier; elle nous fait palpiter avec les essais du jeune etudiant blesse, poursuivi, de sortir de l'hotel sans etre attrape; elle nous emeut avec les sentiments qui s'eveillent chez la comedienne envers ce paria; elle arrive a nous inspirer un certain respect pour ce general prussien qui ne peut concilier son sens de l'honneur avec la poursuite d'une guerre qui est devenue une sauvagerie acharnee.


Baum sait ecrire, ses dialogues sonnent juste, ses descriptions, et de l'interieur de l'hotel et des environs exterieurs devastes, sont tres visuels. Et surtout, son rendu de la societe allemande, entre nazis et simples suiveurs, entre fanatiques, opportunistes et desillusionnes, pris dans un huis-clos, sous le regard cynique de quelques hommes d'affaires nordiques et d'un orchestre hongrois qui se soule en jouant, est captivant.


Ce livre n'a peut-etre pas connu le succes public de Grand Hotel, mais il est bien meilleur a mon avis. C'est cet hotel, degrade, dechu, que j'ai prefere.
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