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Critique de florigny


Dans la famille Berring, inutile de chercher un membre stable, modérément équilibré et passablement heureux car tout le monde a un grain : le père, patron de la Chapman International pratique professionnellement et quotidiennement la manipulation, les jeux du pouvoir, du harcèlement et de la dernière offre, du bluff ; la mère, héritière par son père de la fortune familiale, silencieuse, docile, falotte, alcoolique, titube dès potron-minet, à l'heure du laitier, dans ses plates bandes soigneusement entretenues par son jardinier aveuglément dévoué ; Penny, la cadette laideronne, névrosée, refoulée, solitaire, vit dans l'univers chimérique des romans en épiant sa soeur aînée ; ah celle-là ! Suzy, dont le programme estival consiste à bronzer, se perfectionner au tennis, être scandaleuse, s'envoyer tous les étudiants qui se trouvent sur cette maudite île de Bar Harbor où ses parents possèdent une résidence secondaire luxueuse enjolivée d'une piscine.


Lorsque Jared, premier amant de Penny, arrive sur zone et succombe au charme vénéneux de Suzy, tout part à vau-l'eau car Suzy est assassinée, transpercée de dix-huit coups de sécateur sous les yeux de Jared, lui-même sous l'emprise de substances psycho-actives, et de Penny, qui se balance dans son rocking-chair sur le balcon de sa chambre, en parfaite voyeuse. Jared, acteur porno, est suspecté, jugé puis disculpé du meurtre de Suzy.


Trois ans passent. Penny a changé de nom, émigré à New York, travaille chez un éditeur qui lui demande de débusquer parmi les milliers de manuscrits ineptes reçus chaque année, la perle rare, celle qui fera un gros tirage indépendamment de ses qualités littéraires. Comme exutoire à ses souffrances, Penny court dans Central Park autour du Réservoir. le hasard, ou pas, met à nouveau en contact Penny et Jared. Lorsque Penny met la main sur le journal de Suzy qui devient rapidement une obsession, elle découvre toute l'étendue de la dépravation de sa soeur, qui contre toute attente la fascine. Peu à peu Penny se laisse posséder par Suzy, en dépit des rapports sexuels animaux rapportés qui ne sont pas des idylles romantiques mais davantage l'expression d'un dégoût de soi-même pathétique, des aventures dégradantes au cours desquelles Suzy s'est sentie méprisable.


Penny trouvera t-elle de l'aide auprès de la propriétaire de son appartement, le Docteur Bowles, psychiatre qui a mis au point une étonnante thérapie à base de chats ? « Les humains sont égoïstes, pillent et empoisonnent la terre. Mais ils ont besoin d'aimer et de prendre soin d'animaux de compagnie pour les distraire de leurs angoisses. Ils ont besoin d'exemples de sérénité et de simplicité que seules peuvent leur apporter les soi-disant « créatures inférieures ». (P. 291). Vous le saurez en lisant ce roman de William Bayer, au sommet de sa forme psychanalytique.


Punis-moi avec des baisers, quel beau titre, a tracé une ornière profonde dans ma mémoire de lectrice malgré sa forte odeur soufrée dont je comprends aisément qu'elle puisse heurter la sensibilité de certains lecteurs, car William Bayer s'attaque au tabou des tabous, n'hésitant pas, comme dans le Rêve des chevaux brisés, à décrire des scènes de sexe crûment explicites mais jamais vulgaires. Provocant, scandaleux, sulfureux, possiblement choquant, Punis-moi avec des baisers rappelle au cours de ses 395 pages que la richesse familiale n'empêche pas la dépravation et que « Les relations sexuelles sont d'une grande complexité qui conduisent à dépasser les limites de nombreux interdits. La plus ténue se trouve sans doute entre le jeu et la déviation, dans le danger de glisser de l'excentricité à la perversité. »


Secouée je suis, mais heureuse de fréquenter un tel auteur qui ne bénéficie pas, malheureusement en France, d'une notoriété en conformité avec son talent.
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