AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Brooklyn_by_the_sea


Ce roman sur le cannibalisme est un peu dur à digérer.
Ca se passe en Amérique du Sud après la Grande Guerre Bactériologique qui a décimé toutes les espèces animales, obligeant les humains à s'entre-dévorer pour survivre. Mais attention, nous sommes chez des humains civilisés, qui ont établi des règles pour légaliser et encadrer ce cannibalisme, à commencer par la fixation des conditions d'élevage et d'abattage des "produits". Et l'on suit donc la vie de Marcos Tejo, grand responsable d'un abattoir réputé : Marcos ne va pas bien, il déprime depuis que son épouse s'est éloignée, il passe trop de temps seul à écouter du jazz sous son arbre, il regrette le temps d'avant, il éprouve même un peu de compassion envers les "produits". Et voilà qu'on lui en offre un, justement, une belle femelle 100% bio ; que diable va-t'il en faire ?
Très dérangeante, cette histoire. J'ai beaucoup aimé le traitement glacial opéré par Agustina Bazterrica, qui plonge très rapidement le lecteur dans une normalité insupportable. le monde décrit est un monde cauchemardesque, mais où riches et pauvres continuent de s'affronter, où les industriels continuent de rentabiliser tout ce qui peut l'être sur le moindre "produit", et où les gouvernements continuent de mentir pour mieux manipuler les peuples. D'ailleurs, ce monde où certains mots sont interdits, où les rues sont étrangement silencieuses et propres, et où la bêtise est encouragée via les médias, ressemble furieusement à un rêve totalitaire où les gens trouvent finalement leur compte. Et c'est peut-être ce qui m'a le plus fichu un coup au moral.
Ensuite, j'ai bien aimé la comparaison entre la maltraitance desdits "produits" et celle que subissent les animaux d'élevage dans notre société, l'absence d'empathie des producteurs et consommateurs, et surtout l'hypocrisie lexicale qui fait dire "viande spéciale" plutôt qu' "humain", tout comme on dit "steak" plutôt que "vache". Mais, ayant auparavant lu "Défaite des maîtres et possesseurs" de Vincent Message, l'effet de sidération est moindre, bien que le roman de Bazterrica soit plus terrible, puisqu'il n'y a pas d'extra-terrestres pour justifier le triste sort des "produits" -juste des hommes et des femmes qui ont atteint un niveau de déshumanisation et de cruauté digne des pires nazis.
C'est donc un étrange roman d'anticipation, bien écrit, très bien maîtrisé, qui laisse peu de répit et tord le ventre. Et qui vous fera aimer la salade.
Commenter  J’apprécie          3718



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}