Plus que les discours du maître imprimeur, ce fut cette misère qui poussa Landry à vaincre ses réticences. Alors qu'il avait pensé, au début, que la lecture n'avait d'intérêt que si elle permettait de s'évader en dispensant un plaisir immédiat, il réalisait, de plus en plus souvent, que l'éducation s'avérait une arme plus efficace que les canons contre la servitude.
Sautiquette.
Comme beaucoup d'enfants abandonnés par leur famille ou rendus orphelins par la guerre, cette gamine avait appris à vivre dans la rue. De rapines en débrouillardises, elle avait survécu mieux que d'autres et avait ses entrées partout. Personne ne se méfiait d'elle.
Sautiquette devait avoir treize ou quatorze ans. La malchance l'avait rendue boiteuse et sa démarche saccadée lui avait valu ce sobriquet. Les gens riaient d'elle et de sa claudication. Dans leur bêtise, ils n'imaginaient pas une seconde que cette fille un peu tordue pouvait être intelligente.
Depuis le haut de la colline, ils pouvaient voir l'immense prairie où devait se dérouler la bataille. Pour leur malheur, Monluc les attendait de pied ferme avec son armée. Il avait l'intention d'en découdre avec eux et d'en finir une fois pour toutes avec ces huguenots aquitains qui voulaient imposer une religion qui lui faisait horreur.