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Citations sur L'âme romantique et le rêve (19)

Fraternels, tous ces êtres dissemblables ont ceci de commun qu'ils perçoivent douloureusement le profond dualisme intérieur qui les fait appartenir à deux mondes à la fois; mais, aussi, ils tendent tous, -par un effort de la volonté, par l'attente passive de quelque grâce poétique ou divine, par le redoutable voyage aux abîmes de la Nuit, peu importe, -ils tendent à retrouver une harmonie à laquelle leur aspiration essentielle les dévoue. Tourmentés, poursuivis par le sentiment du "peu de réalité", liant leur destinée au problème de la connaissance et désireux de la confier à une certitude qu'appelle tout leur être, ils vivent les yeux fixés sur une promesse, sur une étoile lointaine. Ainsi se dessine une astronomie du ciel romantique, qui reproduit, sous des espèces éternelles et dans des figures nocturnes d'un singulier éclat, les imparfaites configurations des pays terrestres.
Autour de ces constellations, à l'horizon oriental comme au couchant, de pâles nébuleuses en annoncent l'éclat, des comètes suivent majestueusement leur route immémoriale, des voies lactées prolongent, affaiblie, l'harmonie des sphères, et la fulgurance des météores illumine par instant la nuit.
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Egalement détachés de cette terre, dont ils furent les passants éphémères, les romantiques cependant ne sont pas ces créatures évanescentes, irréelles et trop angéliques, qu'une vaine légende a imaginées. Plus on se familiarise avec eux, et plus il apparaît qu'ils furent tous des êtres très définis et très définissables, qui sans doute aspirèrent à rejoindre leurs origines spirituelles, mais qui voulurent aussi vivre fidèlement, ici-bas, selon ces origines. Visionnaires conscients de leurs dons, explorateurs clairvoyants de trésors cachés en eux-mêmes, il suffit de contempler leurs portraits pour comprendre à quel point chacun de ces assoiffés d'infini arriva à faire de sa propre existence une aventure particulière. Ces frères se ressemblent, précisément, comme des frères : avec tout ce qu'il demeure, dans leur nature profonde, de contrastes et de dissemblances.
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Rêves de nuits et rêves plus mystérieux encore qui m'accompagnent tout au long de la journée, si proches de la surface qu'au moindre choc ils y affleurent, il y a là une existence dont d'autres signes encore manifestent la présence permanente et féconde. Ce que je néglige et qui redescend à l'oubli en ressort un jour, à l'improviste, mais transformé, enrichi de toute une substance que j'ignorais, comme le germe enfoui dans la terre croît, fleur ou arbre. Il suffit qu'une sensation, une couleur par exemple, vienne heurter en moi-même à je ne sais quel secret hublot, pour que la vitre s'ouvre, livrant passage à une brusque croissance d'émotion ou de certitude. Parfois, je reconnais dans ces floraisons apparues un lointain souvenir, et je me persuade que la mémoire suffit à opérer le charme ; mais, si souvent, il m'est impossible de découvrir à ce qui envahit ainsi ma pensée aucune ressemblance d'autrefois. J'ai l'impression que cela vient de plus loin que moi-même, d'une réminiscence ancestrale ou d'une région qui n'est pas celle de mon être individuel.
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Le recours au rêve est constant chez tous les auteurs dont je parle ; mais ici il s'agit du songe nocturne, qui prend une portée esthétique ou métaphysique particulière , et là de cette constante vie des images, plus chargée d'affectivité que la vie des idées, et vers laquelle se penche un esprit en quête d'un refuge accueillant. Ailleurs encore, le rêve s'assimile au trésor de la réminiscence ancestrale, où le poète et l'imagination mythologique puisent également leurs richesses. Parfois, le songe est le lieu redoutable que hantent les spectres, parfois aussi le porche somptueux qui s'ouvre sur le paradis. Tantôt c'est Dieu lui-même qui par ce canal nous délègue des avertissements solennels, et tantôt ce sont nos racines terrestres qui plongent par là jusqu'au sein fécond de la nature. Le rythme de la vie onirique, dont s'inspirent les rythmes de nos arts, peut s'accorder à la marche éternelle des astres ou à la pulsation originelle qui fut celle de notre âme avant la chute. Et partout la poésie tire sa substance de la substance du rêve.
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Qu'était-ce que ce romantisme allemand vers lequel m'attiraient tant de séduisants appels ? Si je voulais saisir le sens de ses démarches spirituelles, préciser en quoi il nous concernait, nous hommes de ce temps-ci, il fallait passer de la lecture enchantée des oeuvres à leur étude, tracer des limites, chercher des traits qui fussent communs à tous les visages romantiques. (...)
Je sus bientôt que le romantique est avant tout un être orienté vers l'infini, -un cerveau épris de synthèse, - un homme pour qui la vie est divine, - une nature esthétique; et chacune de ces définitions était péremptoire.
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Les romantiques n'ont pas ignoré ces nécessités qui mettent des bornes précises à la conquête poétique .Ils ont su que le rêve n'était fécond que si la personne y trouvait un approfondissement et revenait de là , à la vie consciente: mais une vie consciente désormais transfigurée ,vue avec des yeux nouveaux.
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Il est évident que la succession dans l'histoire n'est pas extérieure à la qualité profonde des pensées et des œuvres. Le lien organique que constitue cette succession existe même entre des poètes et des penseurs qui se sont ignorés; et un être aussi original, favorisé d'illuminations aussi soudaines que le fut Rimbaud, a eu la très claire intuition de cette valeur essentielle du déroulement historique : "Viendront d'autres horribles travailleurs, ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé."
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Je voyais mes auteurs persuadés que cette ouverture sur l'inconnu était la condition même de la connaissance, la fenêtre par où l'on aperçoit l'infini, une nécessité imposée à tout écrivain tendant à saisir quelque fragment du mystère qui nous environne, plutôt qu'à façonner un objet de contemplation esthétique.
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Je pris mon parti de l'incertitude des classifications, et je me décidai à choisir d'instinct mes romantiques, selon qu'ils avaient eu ou non, devant le rêve, cette attitude qui m'avait attiré d'abord chez certains d'entre eux.
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Un portrait de Jean-Paul, à trente ans, lorsqu'il écrivait Hespérus, passe pour peu fidèle, et lui-même s'y reconnaissait de mauvaise grâce. Pourtant, dans ce visage émacié, marqué par de récentes souffrances, comment ne pas être frappé par le regard halluciné, perdu dans les espaces immatériels, étonné encore des voyages qu'il vient d'accomplir à travers les mondes stellaires ? Et, lorsque nous le retrouvons, vingt ans après, méconnaissable à première vue, il suffit de s'attarder un peu pour suivre en pensée les métamorphoses qui alourdissent ses traits. Le front est devenu immense, au-dessus des yeux qui expriment une infinie tendresse et où l'étonnement de jadis se nuance de mélancolie. L'abus de la bière et du vin ont beau empâter toute la partie inférieure de la face et environner le sourire d'une pesante matière, l'impression générale reste celle d'un homme qu'habite une croyance spirituelle d'une singulière candeur et qui reporte sur le monde visible le rayonnement d'une lumière intérieure.
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