HOMME MUR. – Tu ne regardes plus comme avant. Tu es devenue une grande personne. Trop même. Avant, tu regardais, sans plus. Maintenant tu regardes et tu parles. Tu critiques.
HOMME. – […] Je me rappelle parfaitement, quels relents, je t’ai regardé discrètement l’entrecuisse en retenant ma respiration, en pensant que j’allais découvrir une sorte de buée épaisse et chaude, une vapeur s’échappant de dedans, tellement la puanteur était pénétrante ; mais on s’habitue à ces choses malgré soi ; parfois… figure-toi… parfois l’odeur ne voulait pas partir, et j’étais obligé de me la trimballer avec moi (l’odeur de ton con) le reste de la journée (parce que la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, nous avons fait ça à midi, tu te rappelles ?) ; ainsi y avait pas de moyen de t’oublier.
HOMME JEUNE. – Je ne sais pas si tu te rends compte.
JEUNE FEMME. – Non. De quoi ?
HOMME JEUNE. – J’ai l’impression…
JEUNE FEMME. – Dis.
HOMME JEUNE. – L’impression étrange…
JEUNE FEMME. – Qu’est-ce qui t’arrive ?
HOMME JEUNE. – C’est comme si…
JEUNE FEMME. – Comme si quoi ?
HOMME JEUNE. – Comme si nous…
JEUNE FEMME. – Nous, quoi ?
HOMME JEUNE. – Comme si nous n’avions plus…
Un temps.
JEUNE FEMME. – Plus, quoi ?
HOMME JEUNE. – Plus rien à nous dire.
LA FEMME.- […] Tout est mal qui commence mal et rien ne change, cher impotent. Et ce n’est pas ton lit de merde qui va changer quelque chose à la merde qu’il y a entre nous. Ni entre qui que ce soit, d’ailleurs. Oui, quand le Destin a décidé de vous niquer, il vous nique pour de bon et jusqu’au bout.
L’AMIE.- Hummm… Il n’y a qu’un petit problème, un petit problème de rien du tout : si toi tu es toi et que moi je suis moi, de la même manière que le lit est un lit (surtout le lit, bien sûr qui est un lit et pas autre chose, comme je le sais désormais grâce à toi…), alors tout ça ici, où nous sommes tous les deux, c’est sûrement une chambre et pas un cendrier, enfin à mon avis.
HOMME JEUNE. – […] Je n’ai pas dit que je n’avais plus rien à te dire, tu m’entends ? […] J’ai dit que nous n’avions plus rien à nous dire. Pas moi. Pas toi. J’ai dit : nous.
LA FEMME. – Je dis que je m’en vais, je ne dis pas que je m’en vais à tel ou tel endroit, non, non, je te dis que je m’en vais, comme ça, en … en général, je veux dire dans l’abstrait, dans l’absolu. Tout a mal tourné.
VIEILLE FEMME. – Pardonne-moi.
FEMME MURE. – De quoi ?
VIEILLE FEMME. – C’est que moi, je ne me souviens pas de toi.
La FEMME MURE pleure.