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Critique de fuji


Sainte et sainte mère de Dieu
Je ne connaissais pas Mathieu Belezi et pourtant cela fait vingt ans qu'il écrit.
Ce roman a une fulgurance poignante.
Son sujet, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer du début de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
De sa forme, une alternance de chapitres (RUDE BESOGNE) et (BAIN DE SANG), s'élèvent les voix de Séraphine et ensuite celle d'un soldat anonyme.
Le tout avec une ponctuation à minima, à la ligne, qui renforce le côté dramatique de l'histoire.
Des migrants français sont parqués dans un lazaret à Marseille en attendant le départ de la frégate Labrador qui doit les emmener en Algérie.
« Quoi qu'il arrive ne désespérez jamais du gouvernement de la République. Il a les yeux grands ouverts, l'oreille aux aguets de la moindre de vos plaintes, et il fera tout ce qui est en son pouvoir—absolument tout !—pour que la rude besogne de chacun soit récompensée à son juste prix. Parce que vous êtes la force, l'intelligence, le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie. Et que cette force, cette intelligence et ce sang neuf sont infiniment précieux. »
Arrivés sur cette terre algérienne, c'est l'effondrement, le sentiment de solitude domine tout.
« grelottant de fièvre et de désespoir nous perdions chaque jour un peu plus de ce qui nous restait de dignité. »
Les maisons promises n'existent pas, de vastes tentes sont là pour les accueillir mais plusieurs famille doivent coexister. La vie s'organise sous la surveillance de jeunes soldats eux-mêmes pas tout à fait aguerris aux tâches qui leur incombent.
Le printemps arrivé, ce ne sont pas des maisons qui sont construites mais des baraquements où ils doivent continuer à cohabiter.
Toutes les sorties et activités sont faites sous escorte militaire. La violence est partout. La scène avec Germaine est au-delà de la barbarie, indicible.
Le choléra décime.
Séraphine et le soldat sont les porte-voix de cette violence.
Mathieu Belezi est le Steinbeck de l'Algérie, le lecteur retrouve cette densité dans la dénonciation de ce qu'il y a de pire dans l'humain.
Les mots traduisent la musique du désespoir et de l'absurde.
Texte court, une écriture au scalpel et des bulles de poésie ça et là pour que le lecteur reprenne son souffle.
En refermant le livre, nos âmes résonnent de ces cris qui disent la violence de la colonisation, terre d'exil qui aurait dû être un havre malgré la rudesse du labeur mais ne fut que bain de sang.
Mathieu Belezi et sa plume acérée nous plonge en apnée dans cet enfer, il broie nos tripes, ses mots sont des armes.
Impossible de ne pas faire le parallèle avec l'actualité, il n'y a pas de bons côtés ni de bonnes origines quand on est migrant.
L'expression « devoir de mémoire » revient souvent dans l'Histoire, mais il me semble que nous pourrions parler de « devoir de réflexion »
Les trois lignes qui concluent le livre sont le dernier cri, déchirant à l'infini.
Décidément un auteur à lire.
©Chantal Lafon


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