AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de indimoon


Si l'on personnifiait une nation ce livre ressemblerait à une flèche qui lui serait décochée en plein coeur, là où palpitent les devises, où vibrent les idéaux. Une flèche sans concession, un geste aussi pur que radical. Que les nations qui n'en ont jamais colonisé aucune autre, ou tenté de le faire, jettent la première pierre à Mathieu Belezi tant son propos, bien que focalisé sur la colonisation française de l'Algérie, m'a semblé horriblement universel. Il y a du beau, dans le coeur des Hommes, qui cohabite avec un indéfectible besoin de conquête dans le coeur des nations. Et le propos limpide de cet auteur engagé, c'est sa rage que l'on puisse y trouver des excuses, des justifications savamment orchestrées pour détourner l'opinion publique : une colonisation ce n'est pas amener des savoirs et des croyances, c'est les imposer de gré ou de force. Ce n'est pas faire bénéficier, c'est prendre des bénéfices. Ce n'est pas propre, ce sont des massacres de population.
Façonner l'opinion publique pour convaincre de son bon droit n'est pas compliqué, il suffit de l'abreuver de la peur et de la haine d'autrui, de le traiter de terroriste par exemple pour la persuader que l'éradication a du bon (mais je m'éloigne un peu du sujet).
.
Dans les années 1830, il était dit aux français qu'il fallait purger l'Algérie de ses mécréants. Chose faite, ou en passe de l'être, on les invitait à venir s'y établir, on leur offrait des terres et on leur promettait qu'ils allaient se construire un avenir ensoleillé et prospère.
La purge et l'installation des colons sont les deux voies retenues par l'auteur pour parler de la colonisation. Il fait tour à tour, en alternant les chapitres, s'exprimer un soldat français au service d'un capitaine impitoyable, et un groupe de colons dont le désenchantement commence dès leur premier regard sur leur promise « colonie agricole » qui se résume en fait à des alignements de tentes militaires, où plusieurs familles devront cohabiter, affronter les éléments, et des autochtones armés de yatagans qui refusent la soumission.
.
Mathieu Belezi est crédible aussi bien lorsqu'il prend la voix de Séraphine convaincue par son mari de venir tenter « l'aventure algérienne » et qui se retrouvera face à d'inimaginables épreuves, que lorsqu'il prend celle d'un soldat français qui exécute les ordres sans faillir à la pitié ou à quelconque remise en question malgré de subtils « commentaires » en italique qui semblent tels un petit ange de conscience qui essaie en vain de s'agripper à son oreille.
Les choix typographiques rythment l'écriture de l'auteur, italiques, absence de point et donc absence de majuscules, les paragraphes sont livrés comme un déversement de parole sans fin. J'ai pensé avec un petit agacement à un simple effet de style, au départ, une recherche de modernité qui sonnerait creux. Et puis j'ai changé d'avis au fur et à mesure de ma lecture. Cette absence de points sert le style dans le sens où les témoignages de ces gens semblent livrés bruts, sans chercher quelconque effet justement. Les peines comme les joies fugaces. La soumission au capitaine comme la hargne d'éventrer. Les mots s'égrènent, les personnages vident leurs sacs, font une confession . Et pour le lecteur, l'émotion monte devant ce flux de mots ininterrompus, devant ce flux de violence et de tristesse.
Commenter  J’apprécie          4716



Ont apprécié cette critique (47)voir plus




{* *}