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Critique de Dionysos89


En voilà bien un nom pompeux : L'Origine des Victoires ! Derrière cette belle couverture de Casimir Lee, se cache le vibrant hommage aux femmes dans l'Histoire proposé par Ugo Bellagamba (auteur notamment de Tancrède, une uchronie, du Double corps du roi avec Thomas Day, et accessoirement, ancien directeur artistique des Utopiales de Nantes et actuel conseiller de l'organisation de Nice Fictions, ville où il est également enseignant-chercheur, bref, ça vous pose un auteur !).

Huit moments de l'histoire de l'humanité, voilà ce que nous propose Ugo Bellagamba ; huit moments pour découvrir un combat ancestral et diachronique où l'engagement des femmes n'en est pas réduit au féminisme tant décrié aujourd'hui. Passant de 1973 à 1932, en passant par 31 av. J.-C. et l'an 2032, l'auteur se permet de jumeler huit récits qu'on pourrait prendre comme huit nouvelles mais qui sont étonnamment liés sans jamais mettre en scène les mêmes personnages. Ainsi, nous suivons dans une forme de mouvement d'inexorable balancier entre les époques le destin de combattants contre l'influence toujours plus grande et dangereuse de l'étrange Orvet, puissance mystique qui a la possibilité de posséder l'esprit et le corps d'une certaine catégorie de la population et d'en faire ses orvets, ses jouets en somme. Face à lui, la résistance s'organise au fil des temps sous de multiples façons, et c'est l'occasion pour l'auteur de mettre en scène des résistances improvisées, des sociétés secrètes, des voyageurs solitaires, tout comme des vengeresses impitoyables. Elles s'appellent Euphoria, Nathacha, Patrizia et quantité d'autres prénoms possibles, et elles sont les Victoires qui nous ont défendu, nous défendent et nous défendront encore devant la puissance destructrice de l'Orvet.
Avec ce roman qu'ActuSF a bien fait de rééditer dans sa collection Hélios (bientôt La 8e colline de Rome du même auteur ?), nous ne pouvons pas dire qu'Ugo Bellagamba, avec ses références antiques méditerranéennes et son nom qui chante, se facilite la tâche. le fait même de tenter l'aventure du diachronisme n'est déjà pas une mince affaire : comment lier efficacement une intrigue de roman se déroulant sur plusieurs dizaines de milliers d'années qui n'a aucune unité de lieu ou de temps ? Bien sûr, nous pourrions supposer que le thème, nouvelle variation du traditionnel « Ordre face au Chaos », suffit pour unifier le tout, ce combat épique et ancestral étant largement porteur ; nous pourrions aussi nous dire que finalement le véritable protagoniste est l'Ennemi, cet Orvet quasi imbattable, antagoniste pervers et vicieux qui traque ses adversaires jusque dans les recoins les plus intimes, et de fait l'auteur a choisi de le mettre en scène aussi directement en exposant ses pensées dans des paragraphes entiers en italique.
Pourtant, le véritable héros, ou plutôt héroïne, c'est le concept même de Victoire ; en effet, ces allégories antiques, largement réutilisées et adaptées depuis l'époque romaine, équivalaient quasiment aux Nikê grecques, symbolisant une victoire souvent militaire, parfois sportive, toujours politique et étant tout à la fois porteuses de trophées et trophées elles-mêmes. Ce sont ces victoires discrètes remportées au cours de l'Histoire que l'auteur a voulu mettre en valeur en usant très subtilement de ressorts de l'histoire cachée (le chapitre sur Thomas d'Aquin est sûrement le meilleur exemple), tout en se permettant de toucher lors de chaque nouveau récit à un genre supplémentaire. Ainsi, le lecteur en est-il pour son argent quand il découvre qu'il va agréablement parcourir un récit de type thriller où la course-poursuite ne peut mener qu'à des pertes humaines, un récit réaliste qui vire au cauchemar au sein d'une société secrète, un récit médiéval façon « le Nom de la Rose » où les moines se demandent bien si la Gloria chrétienne les sauvera, un peu de cyberpunk futuriste, pour finir encore plus loin dans le space opera et la fantasy préhistorique. Je n'ai pas dit un seul mot du décor utilisé par l'auteur, il est vrai qu'il s'appuie largement sur sa connaissance de la Côte d'Azur en nous prenant par la main pour visiter Marseille, Digne, Nice et compagnie ; je n'en ferais pas un argument de vente, mais c'est toujours agréable de changer un peu des villes surpeuplées habituelles, des New York, Paris et Londres, ou des plans cinématographies les plus connus.

Dans L'Origine des Victoires, Ugo Bellagamba fait donc à la fois de la fantasy et de la science-fiction d'une façon peu classique, mais en y apportant un certain côté académique propre à dérouter autant qu'à éblouir.

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