Assis devant l'écran, il n'était plus un vulgaire employé caressant des rêves de grandeur, qui partageait son toit avec une pimbêche et un bébé qui s'égosillait jour et nuit. Il devenait un dieu avec un droit de vie ou de mort sur de simples mortels.
- Moi, ce qui m’inquiète dans votre Tovarisch Kafe, Vassily, c’est la question du timing. Avec ce qui s’est passé à l’international, avec l’Ukraine et tout, la Russie n’a pas une belle place dans nos cœurs. Je me désole d’atteindre le point Godwin aussi rapidement, mais me verriez-vous démarrer un Café Nazi à Montréal ? Ou bien un Café Pyongyang ? Même Yana doit comprendre ce que je veux dire. Votre concept, là… aucun client sain d’esprit ne voudra s’associer avec le drapeau russe, et ça va rester ainsi pendant des années. J’ai vu vos maquettes, mais… Vous allez mettre quoi, là, comme décoration, dans le restaurant ? Vous parliez tantôt du London Jack qui expose des portraits de la reine sur les murs. Je le sais : j’ai mangé là-bas le mois dernier. Vous allez faire quoi, dans le vôtre ? Mettre la tête de Poutine ? Non, Vassily. Votre concept n’a aucun avenir au Québec.
Son ami était sa bouée de sauvetage, Vassily s'y accrochait avec l'énergie du désespoir, mais il devait reconnaître que cette lueur s'affadissait de jour en jour. Autant dire qu'il s'accrochait à un menhir qui descendait se planter au fond des abysses.
A quoi bon vivre si c'est pour rester un esclave jusqu'à la fin ?
Ce soir, aucune compagne ni enfant. Seulement deux corps.
Du désir à l'état pur.
L’étincelle dont tu m’ parles… tu l’as toi ?