J’ai réalisé une chose depuis hier. Plus les évènements que vivent nos protégés sont intenses, plus leurs rapports tendent à se ressembler. Cela est compréhensible: dans un journal intime, on raconte ce qui nous a marqués dans la journée et non les incidents anodins – quoique Lauriane ait réussi à nous prouver le contraire dernièrement.
Ah, ces jeunes! Ça lit un contrat à la diagonale et ça signe sans penser aux conséquences.
Quand une jolie demoiselle nous flatte le crâne, nous masse et nous dorlote, on s’arrange pour qu’elle reste.
Une relation construite à travers les sueurs froides des petites chicanes et les chaudes qui s’incrustent dans le lit. Une belle figure de style. J’adore.
Écrivains, apprenez-le: vos malheurs sont les meilleurs engrais.
Ça ressemble à du latin. Je n’y connais rien en langues mortes. J’ai cherché un dictionnaire toute la journée. Rien! Nada! Aucun outil pour traduire ce foutu message! C’est frustrant. Je devrais demander de l’aide. J’hésite. Les autres découvriraient que je suis une fouineuse! Ah! C’est trop difficile! Si seulement le latin pouvait ressembler au français!
Pour des futurs écrivains, ils me déçoivent. La lecture aurait dû être leur dada. Stephen King le disait lui-même: «Si vous n’avez pas le temps de lire, vous n’avez pas le temps ni les outils pour écrire.» Il a bien raison, le King, et je répète cette citation en classe comme un leitmotiv. J’ai des élèves qui grimacent en l’entendant; ceux-ci refusent de se laisser influencer par le travail des autres, par peur d’imiter inconsciemment leurs styles.
Je rappelle que nous vivons dans la postmodernité. Le mot d’ordre: tout a été fait. Nous sommes condamnés à imiter, alors aussi bien le faire de façon volontaire.
Les seuls romans qui se vendent, ce sont les histoires prémâchées, prédigérées et insipides avec un vocabulaire de quarante mots. On les publie par pelletées. Et pourquoi? Parce qu’on doit combler une demande.
Du roman-réalité, oui, je suis d’accord. Mais de publier les textes dans l’état où ils sont, est-ce vraiment un service à rendre à la littérature? Je suis conscient que le projet est innovateur, qu’il a été subventionné parce qu’il explore des terrains nouveaux, mais si c’est pour promouvoir le côté médiocre des plumes de ces jeunes gens... Tu vois où je veux en venir?
Lauriane m’offrait une meilleure compagnie, malgré sa naïveté de gamine prépubère qui trippe sur Ma petite pouliche. Son air niaiseux la rendait adorable; je la sentais fragile, j’avais envie de la protéger. Malheureusement, nos sujets de conversation m’intéressaient autant qu’une entrevue dans le Dernière Heure. J’aimais seulement la tonalité des sons qui sortaient de sa bouche et, en ce sens, mon intérêt pour elle était purement physique.
J’aurais cru que, de nos jours, une jeune adulte de dix-huit ans aurait fait preuve d’un minimum de maturité. Dans mon temps, les filles se mariaient à son âge.