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Critique de Fleitour


Le silence, comme un cri, déchire le roman " Ça t'apprendra à Vivre" de Jeanne Benameur. C'est le silence qui relie les êtres de cette famille, un silence qui les cimente. La famille a fuit, et l'exil a du mal à trouver des mots pour rompre ce silence : " On se taisait, les uns pour les autres, les uns par-devers les autres. Ma mère distribuait les rôles muets." p 33.


Dans ce court roman autobiographique, Jeanne la petite fille a pris la plume avec des mots d'enfants, des désirs d'enfants, pour raconter les moments les plus lourds, comme pour se décharger de quelque chose, de souvenirs, de deuils, pour éclaircir les noirs, nommer ces espaces de sa mémoire laissés en blanc, effacés un jour par le chagrin : au coeur de cette quête une certitude, "Nous, on est entre. Nous, on est toujours entre, on ne sait pas pourquoi. "p 12.


Après l'exil en 1958, suite à des événements tragiques suggérés, cette famille aux deux frontières arabe, et italienne, comme celle divisée de Camus, tâtonne pour apprivoiser leur nouvel environnement, mais c'est encore une prison, là où travaille son père, un lieu qui nourrit l'inquiétude.

La personnalité du père est une énigme, portée par une inquiétude cancéreuse, et une suspicion rampante, le " il faut tout dire à Papa " résonne comme un appel au secours, une peur qui devient douloureuse et peut être délirante.

A travers des anecdotes, les plus diverses, Jeanne explore le quotidien de la famille, ses acteurs, leurs réactions : par exemple,"maman dans mon lit", "le pull de mon père", "la secrétaire", "la garderie de l'école".
Peu à peu, se dessine la vie de la petite fille, ses menues joies comme ses peines, ses relations avec son frère et ses deux soeurs, les difficultés qu'elle éprouve à parler avec sa mère, à l'intéresser.


Peu à peu apparaît au grand jour l' impossibilité d'atteindre son père, en comprendre sa rage, pour l'apaiser, elle ajouterait, comme pour symboliser, l'étrangeté de son père : "le sien de nom, si on le changeait, hein ? Eh ben, il en mourrait."p108

Il y a finalement un flot de questions dans ce livre, notamment une interrogation lancinante sur la violence que le père porte, et que ses enfants ne comprennent pas. Les petites anecdotes, ne concluent pas , ne donnent jamais les réponses, elles construisent un puzzle surprenant, qui tient, mais à quel moment les pièces iront-elles s'éparpiller?


L'émotion, imbibe chaque mot, lui donnant une saveur poétique, des mots simples mais qui juxtaposés explosent : tant de choses à ne pas dire, je me tue à te faire exister, ne rien dire juste, habiter sa peau.
Un roman construits par touches, de 30 petites nouvelles, et au bout, le paysage poignant d'une famille, avec les mots et les gestes d'une petite fille, pour éclairer leur humanité déracinée.
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