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Critique de Syl


Syl
14 juillet 2013
Première histoire, Mrs. Donaldson sort du placard.

Mrs Donaldson, cinquante-cinq ans, est une veuve qui doit restreindre et changer son mode de vie pour des raisons pécuniaires. Sans se soucier du désaccord de sa fille, elle décide de louer les deux choses qu'elle possède… une chambre de sa maison, à des étudiants en médecine, et sa personne, à leur chef de service, le Dr Ballantyne. Il n'y a rien de "shocking", c'est en tout bien tout honneur…
Son rôle consiste à jouer la patiente ou la femme du patient, et ainsi proposer à l'armada d'étudiants toute une panoplie de pathologies : ulcère au duodénum, hernie hiatale, prostate… Comme une comédienne de la ligue d'improvisation, elle y met tout son coeur et son corps, n'hésitant pas à se faire passer pour un travesti. En tant que scénariste, parfois cameraman, le Dr Ballatyne n'est point commode, fort exigeant, imaginatif et très perturbé par cette figurante.
Question finances, tout se passerait bien, si les étudiants, Laura et Andy, payaient leur loyer.
Conscients de leur dû, ils lui proposent alors un fol concept qu'elle accepte ! Ils exhibent leurs ébats amoureux, jeunes et fougueux, devant une Mrs. Davidson, qui, au stade de l'observation de ses deux yeux grands ouverts, en serait presque à prendre des notes. Timide et en manque d'extravagance toute sa vie, elle découvre alors un univers bien étrange…

"- Avez-vous déjà vu des gens en train de faire l'amour ? lui demanda Laura.
– Pour être tout à fait honnête, répondit Mrs. Donaldson en feignant de fouiller dans ses souvenirs, je ne pense pas avoir eu cette opportunité.
– Oh, tant mieux, dit Laura. Nous avions peur que vous ne soyez un peu blasée.
– Ce n'est pas le cas, rassurez-vous, dit Mrs. Donaldson. (Si on lui avait donné le choix, elle aurait sans doute préféré qu'ils lui offrent un bouquet de soucis.) Non, ajouta-t-elle, je ne me suis jamais retrouvée dans une telle situation.
– Nous non plus, dit Laura…"

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Deuxième histoire, Mrs. Forbes reste à l'abri.

Graham Forbes, le petit chou à sa maman, va se marier à une Betty Greene, ni belle, ni jeune, ni originale. Serait-elle aussi catholique ??? peut-être, mais elle est surtout une orpheline riche. Jeune banquier arriviste et calculateur, il a eu un coup de foudre pour le patrimoine de Betty, faisant l'impasse sur son physique, sa candeur et son inexpérience dans le secteur de l'intime ; jeune fille amoureuse, peu farouche, elle apprend vite et bien.

Mrs. Forbes est très déçue, son fils chéri aurait mérité bien mieux ! N'est-il pas beau, intelligent, jeune, promu à un avenir professionnel brillant ?
Mr Forbes est très-très déçu. Son fils marié, sa femme allait orienter les faisceaux laser de son attention, sur sa personne. de quoi être bouilli, grillé et réduit à néant.

Le jour du mariage, Mrs. Forbes-mère est outrée par la conduite de son mari ! Quant à Mr Forbes-père, il jouit de voir sa femme en ébullition. La nouvelle Mrs. Forbes est épanouie, elle a enfin ce qu'elle désire ! Et son récent mari… Mr Forbes-junior semble également joyeux de son destin, tout en repensant à la veille du mariage, lorsqu'il était collé contre le dos si doux de son amant. Là est le nerf de l'intrigue, Graham est gay et personne ne doit le savoir !

Comme dans un vaudeville, l'amant fait chanter Graham et les transactions mèneront à quelques confusions… Les rapprochements familiaux s'entremêlent un peu (quel euphémisme !) et il en résultera des surprises pour le lecteur et les acteurs de cette farce coquine. Il y a plus rusé et perspicace, que Graham…

"-… Quel gâchis ! Et Dieu sait à quoi ressembleront leurs enfants.
- J'imagine…, avança Mr Forbes.
- Tu imagines quoi ?
- J'imagine qu'ils ont déjà… fait leur devoir.
- Je te demande pardon ?
- Qu'ils se sont envoyés en l'air.
Un silence pesant suivit cette dernière remarque. C'était un vieux sujet de dispute entre eux : la manière dont il convenait de désigner la chose – à supposer que Mr Forbes soit autorisé à y faire allusion.
- Je suppose que tu voulais dire qu'ils ont "fait l'amour", rétorqua-t-elle. Je préfère ne pas y penser.
- Je suis sûr, ajouta Mr Forbes en s'enhardissant brusquement, qu'elle démarre au quart de tour.
- Au quart de tour ? Edward… Quand auras-tu compris que certaines expressions doivent être bannies de ton vocabulaire ?"

Je remercie Lou pour ce cadeau.
J'ai lu de l'auteur "La reine des lectrices", un roman à la trame divertissante et à la plume pleine de finesse, folle et bien forgée. Entièrement séduite par le style, à l'ironie mordante so british, c'est avec plaisir que j'entamais ce livre de deux nouvelles.

Toutes deux revisitent la société anglaise dans ce qu'elle a de plus conformiste et traditionnel, laquée, apprêtée, "tweedée", puis la pimentent d'un érotisme assez "élégant"… si les mots sont croustillants, ils n'offrent pas d'images graveleuses. La vulgarité n'y est point, c'est cocasse, insolite et libertin.
La couverture sous-entend du voyeurisme et en effet, nous sommes spectateurs des fantasmes, des pulsions, des amours et des expériences des personnages.
La première histoire est celle que je préfère. Les scènes à l'hôpital sont drôles. Mrs. Davidson est une veuve charmante qui attire la sympathie. La fiction est incroyable, pourtant elle n'apparaît pas si choquante. L'auteur noie "l'indécence" en peignant le portrait d'une femme vieillissante, recroquevillée, qui s'ouvre sur le plaisir et les joies de la vie, comme une fleur. On ne peut espérer alors pour elle, qu'un joyeux épanouissement.
La deuxième histoire paraît en son début plus claire que la précédente. Cependant, les fils de la trame s'entortillent dans un brouillamini. Moins "bon-enfant", plus cynique et immoral, la satire est théâtrale et les sourires sont hésitants. La fin est un pied de nez !

Un livre charmant même s'il est moins habile que "La reine des lectrices", moins rieur, plus tortueux. Il me rappelle les nouvelles plus subtiles de Roald Dahl, réunies dans "La grande entourloupe".
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