On dirait une fatalité chez les humains : quand un homme génial disparaît, ses successeurs sont toujours lamentables, probablement parce qu'ils veulent poursuivre l’œuvre du génie et qu'ils en sont incapables.
Son point faible, sa rançon du génie, c'était la défiance qu'il éprouvait envers les masses humaines. Autant il se montrait confiant envers ses proches, autant il était réticent envers les réactions des groupes. Tout, d'ailleurs, à toutes les époques, indique qu'il voyait très clair.
Il avait appris par expérience (et aussi dans les livres, mais l'expérience est de beaucoup préférable) qu'un humain très doux et très calme peut, quand il n'est plus qu'une unité dans un groupe, se transformer en un loup enragé (constatation valable également pour les Forces de l'Ordre, dont chaque élément, pris séparément, était en général un brave gars). Il savait que cent agneaux peuvent saccager leur bergerie et même tuer leur berger.
Elle en avait souvent entendu, de ces rires de Vieux, cassés, chevrotants, et emplis de la joie du triomphe. Ils tenaient l'Humanité tout entière entre leurs mains ! Revanche de l'opprimé sur l'oppresseur. Où était-elle, cette époque dont parlaient les légendes, cette époque où l'on laissait agoniser les vieillards avec des pensions qui n'étaient que des charités dédaigneuses, dans des chambres sans feu ou dans des maisons de retraites où ils se sentaient encasernés ?