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Critique de Matatoune


Avec Artifices, Claire Berest éclaire de tout son talent littéraire l'imbrication de performances d'art contemporain et des souvenirs traumatiques enfouis dans le passé. En abandonnant les personnages féminins aussi très proches du monde de l'art, ce roman plonge son lecteur dans une intrigue particulièrement bien menée sur fond de mal être et d'happening.
Abel Bac fait un cauchemar et entend trifouiller dans la serrure de sa porte d'entrée. C'est la voisine du dessus, complétement ivre, qui s'est trompée d'étage. Gentiment, il décide de l'aider à rejoindre son appartement et l'allonge en dégageant bien sa bouche pour qu'elle ne s'étouffe pas dans son vomi ! Ne pouvant se rendormir, il sort et se fatigue en marchant dans la nuit de Paris. Suspendu depuis une semaine, il a la terrible sensation que son monde s'écroule, lui le flic intègre, méticuleux mais taciturne. Dans quelques jours, l'IGPN le convoque pour donner explications de cette mise à pied sous dénonciation téléphonique anonyme. .
Jérôme Masson, avocat qui la suit depuis le début de sa carrière, téléphone à Mila chaque jour y compris le dimanche. Personne ne connait la véritable identité de Mila bien qu'elle fasse des performances dans le monde entier depuis vingt-ans, un peu comme un Banski en happening. Ses oeuvres se vendent des millions chez Chritie's et Sotheby's. Sa carrière a commencé en accrochant des poupées grandeur nature à l' effigie de personnes connues sur des lieux emblématiques comme celle de Jean Moulin sur les pales du Moulin Rouge !
Mais, aujourd'hui, à trente-neuf ans, son anonymat lui pèse. « Mila qui ne s'appelait pas encore Mila » était une jeune fille sérieuse et brillante reçue au bac en 2000 au lycée Paul Bert d'une petite ville du Loiret. C'est d'ailleurs là qu'elle a connu Jérôme.
Abel Bac s'est construit des digues pour domestiquer l'angoisse qui généralement arrive dès qu'une nouveauté pénètre sa vie. Alors, lorsque Elsa, la voisine étudiante en thèse d'histoire de l'art, décide de s'excuser et de lier conversation, Abel fuit. Rien dans sa vie n'est laissé au hasard quitte à développer des tocs en pagaille, des malaises et des cauchemars récurrents. le seul espace qui le ressource reste son appartement avec toutes ses orchidées, quatre-vint quatorze précisément !
Camille Pierrat, sa jeune collègue, s'inquiète car Abel ne répond plus au téléphone. Et lorsqu'elle se présente à sa porte, il la renvoie sans égard. Elle aimerait qu'il prenne un avocat? qu'il se batte, vraiment ! Mais, une image de cheval que Abel retrouve sur les murs de la capitale l'accapare trop intensément. Abel se met en chasse …
Claire Berest abandonne ses derniers personnages inspirés de femmes solaires au charisme reconnu. Avec Artifices, l'auteure s'attache à décrire un homme, rigoureux, taciturne et profondément tourmenté même si c'est un professionnel reconnu. Il faut attendre la fin du roman pour comprendre la toile d'araignée que le passé à tisser autour d'Abel Bac. Glaçant, en fait, mais tout s'enchaîne et s'éclaire à la fin !
Personnage à part entière, l'art contemporain est présent tout au long du roman. Marina Abramovic, l'artiste plasticienne, donne les limites à la créativité de l'artiste de fiction Mila qui crée des installations dans les différents musées de la capitale. Celles-ci rivalisent d'inventivité et d'ingéniosité. L'écriture de Claire Berest nous régale : des installations très symboliques semblent prendre vie sous ses mots. Aussi, Elsa, l'étudiante en histoire de l'art, explique à Aba Marcel Duchamp, Mauricio Cattelan sans oublier Tracey Emin et tant d'autres.
Néanmoins, le roman se situe aussi au coeur d'un passé de jeunesse qui a déterminé la vie de chacun dans un a peu près difficile qui ressort la quarantaine arrivant. Des explications seront nécessaires pour que s'allège le poids des souvenirs ! le vers De La Fontaine sert de leitmotiv, comme un mantra à la compréhension de l'intrigue » Que tout inconnu le sage se méfie « .
Parfaitement réussi, le roman Artifices éclate par sa qualité créatrice et littéraire. Généreuse, Claire Berest emmène son lecteur par la main où Abel Bac, mais pas que lui, retrouve le goût de la nouveauté et de la curiosité. Un très bon moment de lecture !
Chroniques avec photos ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/08/27/claire-berest/
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