Michel Bernard se centre sur quelques tableaux de Monet, comme « le Déjeuner sur l'herbe, » peint en réponse au Déjeuner de Manet, peint trois ans avant, ou sa « Femme en vert. » Monet vient de rencontrer Camille, ils sont amoureux, et la figure de trois quarts, nous tournant presque le dos, présente tous les signes, dit l'auteur, d'une nuit d'amour agitée, et tous les ingrédients d'une grande peinture, qui plait immédiatement au public, alors que son déjeuner sur l'herbe ne plait pas tellement.
Dans les « Femmes au jardin » Monet, fou d'amour, peint Camille trois fois, seule la fiancée de Frédéric Bazille est peinte debout derrière à gauche.
Avec les reproductions de ces quelques tableaux, peignant Camille, le livre revient sur l'amitié qui lie le peintre à Renoir, à Fréderic Bazille, qui lui achètera « les Femmes au jardin, » cédé par la suite à Manet, et à beaucoup de peintres impressionnistes.
Bazille meurt très jeune à Verdun, il laisse un sentiment d'abandon à Monet, puisque ce dernier lui confirmait qu'il était un grand peintre. « Il devait beaucoup à l'admiration de Bazille ».
Car Monet ne sait faire que peindre, sans que ce besoin le comble ni jamais le satisfasse. Il recommence, il détruit, écoeuré par ce qui ne lui plait pas (Camille, comme Clémenceau, sauveront quelques tableaux de l'autodafé) pire encore, lorsqu'il pense avoir atteint une adéquation entre sa vision et ses couches de couleurs, il change. Il cherche, en génial peintre qu'il est, avec angoisse, inquiétude et colère, l'impossible traduction d'une insatisfaisante manière de voir la lumière, les ors des robes des femmes, leur blanc qui se juxtapose au blanc du sable.
Comme la nature change, que les couleurs de la mer et du ciel ne sont jamais pareilles, Monet change et méprise le fait d'avoir fini. Il recommence, après les longues séries des meules de foin et des cathédrales de Rouen, encore et encore, en une longue recherche jamais terminée. Ces séries sont intéressantes non pas par la répétition, au contraire, par la mise en évidence que rien n'est immuable.
Et il passe à autre chose.
Fixer l'impermanence, et ne jamais s'en satisfaire.
Avant les Nymphéas, lors de la mort prématurée de Camille, il la peindra, blanche sous un voile blanc, « pour montrer à la face du monde, une dernière fois, le visage » de la femme aimée. Sur la signature, en haut du t, il dessine un petit coeur.
Seul le tableau « la femme en vert » est exposé à Brème, les trois autres dont parle
Michel Bernard peuvent être vus au
Musée d'Orsay.
Avec poésie, avec tendresse, l'auteur tisse autour de ces toiles tout un pan de l'histoire du peintre. Depuis le manque d'argent de Monet, de l'aide qu'il recevra de Bazille, de l'aide qu'il recevra de Camille qui le calme doucement, de l'aide qu'il apportera aux démunis quand il sera reconnu le grand peintre qu'il est, de la souscription pour aider la veuve de Manet, de son opération de la cataracte ( un peintre aveugle, cela ne s'est jamais vu) de l'amitié avec Clémenceau, voilà une vie dévoilée.
Pourquoi Deux remords ? Deux morts, celle de Bazille, celle de Camille (rien n'est dit sur la mort de Jean son fils,), ce serait donc plutôt deux chagrins de Claude Monet.
En tous cas, excellent livre pour les amoureux de la poésie.