AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de WAAD


[...]
L'oeuvre est à l'image de son auteur : drôle, absurde, trash et, à mon avis, très intelligente. Mais voyons ça de plus près avant d'en tirer des conclusions.

Avant toute chose, et comme il est d'usage, de quoi ça parle ?

Eh bien, d'une bande d'amis qui affrontent l'Apocalypse (quoi, encore ?) en luttant contre des zombies qu'un événement inconnu a déchaîné. Classique quoi…

Enfin sauf que les potes en question sont tous des marginaux à leur façon, et que leurs réactions diffèrent un tantinet de ce à quoi on est habitués, défonce et alcool aidant (vous attireriez des zombies près d'une planque de la BAC pour rigoler, vous ?).

Et puis les zombies présentent quelques particularités comportementales, ce qui, sans trop rentrer dans les détails pour ne pas vous gâcher cette magnifique découverte, est assurément nouveau.

[...]

Bref, vous l'aurez compris, on échappe très vite à une énième resucée des récits de zombie pour arriver droit sur une fable anarcho-punk délirante, croisant les récits et les destins d'individus partageant le même squat et répondant au doux nom de « Collectif du 25 ».

Pourtant, les risques étaient nombreux en s'attaquant à ce type de scénario : violence gratuite, utilisation artificielle de suspens et situations clichés. L'auteur évite tous ces écueils et, bien que je ne souscrive pas spécialement à la mode du roman choral (la chorale fût-elle punk), il faut reconnaître que lorsque c'est bien fait, et ici c'est le cas, on ne s'ennuie jamais.

[...]


Toujours est-il que Karim Berrouka parvient à maintenir un récit haletant dans lequel, autant le dire tout de suite, l'humour est pourtant le maître-mot, loin devant le suspens et très, mais alors très, loin devant l'horreur (encore qu'il faille reconnaître qu'imaginer un zombie Bogdanoff peut faire peur).

[...]

Cette richesse narrative vient, à mon sens, d'une plus grande importance accordée au mot « apocalypse » qu'au mot « zombie » dans l'expression consacrée « apocalypse zombie ».

Parmi tous les fondements à l'origine des histoires de zombis, la thèse religieuse est, sauf erreur, très rarement exploitée. Alors, nécessairement, quand Dieu et Diable se disputent la Terre par zombis et survivants interposés, la quête de nos héros devient absolument fantastique.

[...]

Paradoxalement, tout cela fait sens dans un contexte maintenu de lutte des classes (oui, parce que si vous pensiez que la fin de toute chose voulait dire fin du patronat, vous vous trompiez, le MEDEF compte bien pérenniser le concept) et fait du combat idéologique, finalement, un combat entre fois.

[... ]

Bon, évidemment, avec son écriture drôle et cynique, l'auteur construit surtout un parfait manifeste de l'auto-gestion en épinglant de façon jouissive à qui mieux mieux le MEDEF, l'église, et la société de consommation qui construit finalement très bien les zombies que nous pourrions devenir.

[...]

Ce roman n'a que l'apparence d'un récit chaotique : les personnages ne recherchent pas le chaos, loin s'en faut, mais luttent contre les derniers vestiges d'un pouvoir à leur sens illégitime en promouvant l'anarchie et l'auto-gestion.

Malgré leurs actions erratiques, d'autant qu'ils se trouveront, par la force des choses, séparés, un véritable ordre naît dans le désordre.

[...]

En jouant sur les symétries et les dualités, Berrouka parvient à semer le trouble dans l'esprit du lecteur qui voit, dans un premier temps, les personnages apparaître et disparaître sans se poser de questions. Toutefois, à la relecture, ou en résumant le livre, on s'aperçoit de motifs récurrents qui jalonnent intelligemment le récit.

[...]

En bref, toute la mécanique est savamment huilée sans qu'on s'en aperçoive particulièrement, et toutes les actions et surtout leurs conséquences semblent à la fois absurdes et magnifiquement logiques.

So what ?

Il s'agit d'un roman frais, parce qu'il renouvelle le genre des zombies, intelligent, parce qu'il a le mérite d'ériger en héros ceux qui sont normalement à la marge, et surtout absolument et terriblement drôle.

Dans sa volonté de construire une quête mystique autour de punks défoncés, l'auteur créé une oeuvre à mi-chemin entre le très sérieux « Punk Rock Jesus » et le plus léger mais so british « de bons présages » (dont l'inspiration, au moins distante, se fait d'ailleurs parfois ressentir).

Un putain de bon roman, un putain de bon moment et assurément une de mes meilleures lectures dans ce style.

Diantre, je m'égare, et comme dirait le Captain : « Language »…
Lien : http://whataboutadragon.com/..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}