Quand elle ne dévaste pas l'homme dans ses profondeurs et qu'elle se borne, comme la rémission quotidienne du sommeil, à lui imposer une pause dans l'incessant courant de la vie, la maladie est sans doute une grâce, puisqu'elle exile un temps notre raison.
La docilité et le désoeuvrement auxquels elle nous contraint, l'altération momentanée du pouvoir d'user sottement des facultés de notre esprit, la stimulante note d'alarme qu'elle fait résonner en nous, créent dans l'âme cet espace de silence où il nous est donné d'entendre le son de notre propre voix.
Il était évident que les femmes s'étaient très vite adaptées à la situation nouvelle qui leur était faite. Au sein d'un univers bouleversé, elles incarnaient, toutes manches retroussées, la permanence essentielle de la vie. Il faut du temps pour le désespoir et le temps est ce qui leur manquait le plus. On verrait à pleurer plus tard.
Il n'y a point de créature plus sensible aux sollicitations de l'invisible que le cheval, mieux adaptée à toutes les connivences, aussi proche de la nature originelle.
Je ne sais pourquoi, je suspends mon geste. La brusque flambée de fureur que la rébellion de Dario a allumée en moi durant la minute précédente s'est éteinte. Je ne ressens plus que l'impression déplaisante d'avoir joué un personnage assez ridicule, et cette légère amertume se colore de façon curieuse du sentiment de surprise et d'insécurité que provoque dans l'esprit le surgissement d'une évidence oubliée. Je prends cruellement conscience que la déchéance de l'imagination est la véritable détresse de vieillir et qu'en d'autres temps, un minimum de clairvoyance m'eût sans doute gardé d'user de mon autorité pour soumettre un enfant : loin de faire reproche au fils de Francisco Roja de son ingénuité et de son audace, il est probable que j'aurais salué dans son geste l'irruption salvatrice de la vie et l'avènement des pouvoirs de l'aventure au sein d'un ordre exténué.