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Critique de berni_29


Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! »
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe. Ils étaient énervés et un peu impatients, cela faisait longtemps que je n'étais pas revenu ici leur raconter une histoire.
Je devinais des regards un peu chargés de reproches pour les avoir délaissés durant ces dernières semaines, qui s'effaçaient cependant très vite, de peur sans doute que je ne revienne plus jamais. Mais pour rien au monde je ne les abandonnerais...
Aujourd'hui j'avais envie de leur lire une histoire toute simple, sans prise de tête, sans morale, sans message, quoique... on ne sait jamais...
Je me suis avancé devant mon jeune public assis, réuni en cercle devant moi et je leur ai dit : « Je vais vous raconter l'histoire de Cornebidouille.
- Cornebidouille ! Haha ! Quel drôle de nom ! s'est écrié le petit Patounet en se roulant par terre.
- Et Patounet, c'est pas un drôle de nom, dis ? fit la petite Anna sur un ton sarcastique.
- Moi je trouve que Cornebidouille, ça rime avec... pense-nouille, a dit la petite Nico très inspirée.
- Moi je dirai que ça rime avec autre chose, a répondu goguenarde la petite Chrystèle.
- Avec quoi, dit voir ? a alors demandé narquoise la petite Isa.
Mon regard anxieux a alors croisé celui inquiet de Sandrine et j'ai senti qu'il ne fallait pas perdre la main sinon cette séance pouvait vite devenir incontrôlable et prendre une mauvaise direction.
Trop tard, les élèves s'en donnaient déjà à coeur joie.
« Hé bien les amis, je dirai vadrouille, a répondu la petite Chrystèle.
- Et moi fripouille, a dit la petite Yanike.
- Andouille, a dit le petit Jean-Miche.
- Ratatouille, a dit la petite Anne-Sophie.
- Niguedouille, a dit la petite Sylvie.
- Chatouille, a dit la petite Fanny.
- Zigouille, lol, a dit la petite Sonia.
- Gribouille, a dit la petite Gaëlle.
- Quenouille, a dit la petite Nico.
- Quenouille ? Ça veut dire quoi ? a fait le petit Paulo étonné.
- Hé bien oui, quenouille, pourquoi pas quenouille ? a houspillé la petite Nico. Moi j'adore le mot quenouille. Je l'utilise d'ailleurs tous les jours à toutes les seauces... »
Alors, Sandrine la maîtresse d'école a repris la main en disant : « C'est justement un vieux mot qu'on retrouve dans certains contes de fée anciens, mais ce sera peut-être pour une prochaine fois. À présent, je suis sûr que vous avez très hâte que Bernard vous dise qui est cette fameuse Cornebidouille.
Les enfants se sont calmés d'un seul coup et ont opiné du bonnet.
Je leur ai tout d'abord montré la première de couverture, sur cette immense image où l'on voit la méchante sorcière Cornebidouille qui tente de faire peur au petit Pierre.
Le caméléon du petit Paulo s'est approché de l'image, l'a regardé avec ses yeux exorbités et alors il a pris une drôle de couleur qui ne serait pas décent de décrire ici... L'effet était réussi.
« Elle a une drôle de tronche ! a fait le petit Paulo.
- Elle a une sale gueule tu veux dire, a dit la petite Gaby, j'aimerais pas la rencontrer le soir quand je rentre de l'école ou bien quand je vais dans les bois le dimanche matin ramasser des champignons...
On aurait été mal venu de reprendre les termes utilisés par les enfants, d'autant plus que Cornebidouille n'hésite pas à traiter de petit morveux Pierre parce qu'il ne veut pas manger sa soupe.
Alors j'ai commencé à raconter : « Comme tous les enfants, Pierre ne veut pas manger sa soupe, même quand son père lui parle de Cornebidouille, l'horrible sorcière qui rend visite aux enfants qui ne veulent pas manger leur soupe, il tient tête.
« Haha ! s'est alors écrié la petite Doriane, c'est vrai que la soupe c'est moins bon que le chocolat ! Moi, y a pas besoin de me forcer à manger du chocolat. »
J'ai continué de déplier les pages géantes de l'album. Alors que Pierre est au lit, le ventre vide, Cornebidouille fait son apparition, mais le petit garçon ne se laisse pas impressionner et il se moque ouvertement de cette créature ridicule, qui redouble de colère. Par la ruse, Pierre trouvera un moyen astucieux de se débarrasser de Cornebidouille...
Mais je ne vous dirai pas lequel. Seuls les élèves de la classe de Sandrine connaissent à présent le secret.
Désormais, devant son bol de soupe, le petit Pierre pourra continuer à répondre « Nan, j'en veux pas! »
C'est une histoire pleine d'humour, d'espièglerie et de gros mots. C'est une histoire qui prend le parti des enfants contre celui des parents, sur la délicate question des repas, mais pas que...
C'est une histoire écrite par un certain Pierre Bertrand, que je soupçonne de n'avoir pas aimé la soupe lorsqu'il était un tout petit garçon. Les dessins de Magali Bonniol sont très drôles.
Sandrine la maîtresse d'école nous a alors avoué que lorsqu'elle était petite fille, elle n'aimait pas non plus manger sa souple et elle se faisait gronder par ses parents...
« Ah c'est malin ! a répliqué aussitôt la petite Anna, comment voulez-vous que la morale soit sauve si même la maîtresse incite à désobéir ». Tous les élèves se sont mis à rire.
Puis la petite Gaëlle s'est avancée vers moi en me disant : « elle est vraiment très drôle ton histoire, camarade ». Puis se tournant vers ses autres camarades de classe, elle a ajouté : « Si vous goutiez la soupe de poissons de ma mémé, vous ne diriez plus que vous n'aimez pas la soupe ». Il y a eu alors des « oh ! » médusés dans l'assistance, tandis que les yeux de la petite Gaëlle étaient baignés de vagues, d'embruns, d'océans tumultueux, de bateaux éperdus, de rivages audacieux et d'îles…
Mais avant de quitter la classe de Sandrine sur cette note joyeuse et océanique, il faut que je vous raconte une anecdote.
J'avais eu un mal fou à ce que cette bande dessinée jeunesse parvienne jusqu'à moi. Ou plutôt l'inverse. Je l'avais réservée depuis plusieurs semaines auprès de ma médiathèque préférée et enfin un matin j'avais eu le message tant attendu : « Votre réservation vous attend. » Chouette ! Je suis parti aussitôt la chercher, quelques minutes plus tard je l'avais entre les mains, je m'apprêtais à quitter la médiathèque et tout d'un coup je tombe sur un copain que j'avais perdu de vue depuis longtemps. Mince !
On était face à face l'un devant l'autre, on discutait, je voyais bien que pendant ma discussion son regard intrigué cherchait à capter le titre de l'album que je tenais d'une main presque derrière mon dos, le livre à la verticale. Alors de temps en temps, mine de rien, il tournait légèrement autour de moi et moi aussi j'en faisais tout autant dans l'autre sens, cela ressemblait à une sorte de danse étrange à distance, un peu surréaliste entre le slow et le tango, façon médiathèque...
« Alors Berni, tu nous diras ce que tu en penses, de Cornebidouille, hein ! » s'est alors écrié la responsable du rayon jeunesse depuis son kiosque. J'ai eu l'impression brusquement que le sol se fissurait, que cette question n'en finissait pas de se répandre dans toute la médiathèque et que son écho se démultipliait au milieu des étagères, rebondissant de livres et livres. Elle s'est mise à pouffer de rire, se cachant le visage derrière son écran d'ordinateur. Je suis sûr qu'elle a fait exprès. Je suis devenu rouge écarlate comme la servante du même nom.
- Cornebidouille ? a fait le copain d'un air ironique, montre voir un peu.
- Oui tu sais, c'est pour ma fille.
- Mais ta fille a vingt-cinq ans.
- Vingt-cinq ans ? Ho ! C'est fou, on ne les voit pas grandir, hein ! Mais c'est vrai qu'avec ses études d'éducatrice spécialisée, elle s'occupe beaucoup d'enfants à présent, elle leur lit des histoires insensées. Et toi tu as emprunté quoi, là ?
Il m'a montré le livre : Les marécages, de Joe Lansdale. « C'est du dur, ça ! » m'a-t-il fait d'un geste tonique, un peu guerrier, viril et empli de conviction dirais-je. J'aurais aimé en faire tout autant à propos de Cornebidouille, mais je n'avais pas encore lu l'album.
Je cherche toujours des idées de lecture pour raconter des histoires aux élèves de Sandrine. Je me suis dit que celui-là ne conviendrait sans doute pas...
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