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Citations sur Füssli : Entre rêve et fantastique (12)

Les Ménades et les Furies de la mythologie grecque, les femmes tourmentées, animées par la rivalité dans la Chanson des Niebelungen, la Lady Macbeth de Shakespeare, prise de folie, la mère intrusive de Milton et les courtisanes vaniteuses et calculatrices de ses fantasmes secrets, toutes révèlent une palette presque encyclopédique d’états psychologiques et d’expériences. Ces femmes s’évanouissent, rêvent, marchent en somnambules, elles ont des visions (quand elles n’y apparaissent pas), elles sont prises de folie, tuent ou torturent. Rarement soumises, le sexe est pour elles une affaire compliquée, que ce soit avec d’autres femmes ou avec des hommes faibles.
[…] En 1788, Füssli épousa Sophia Rawlins, un jeune modèle. […] Si elle ne possédait pas son éducation, elle était belle, dévouée et d’une certaine force de caractère, puisqu’elle ferma la porte de leur domicile à Mary Wollstonecraft, pionnière du féminisme. Entichée du peintre, cette dernière avait proposé un ménage à trois. Les portraits que dessinait Füssli de Sophia mettaient de plus en plus l’accent sur ses tenues somptueuses et sa coiffure sophistiquée.
[…] A présent il se pliait à l’extravagance vestimentaire et au fétichisme capillaire de Sophia, ce qui avait probablement déjà été le cas avec Magdalena Hess, qui était capable d’entrer en transe dès qu’on la coiffait.
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Si Füssli n’a pas bénéficié d’une reconnaissance plus grande et s’il ne s’est pas fait une place plus établie dans l’art de son temps, ce n’est pas seulement à cause de son extrême originalité, de sa position singulièrement émancipée par rapport au paradigme dominant de l’Antiquité mais sa domiciliation à Londres qui a également pesé de manière déterminante. Quiconque ne travaillait pas durablement à Rome ou à Paris, les centres artistiques incontestés de l’époque, restait relégué à la marge. Ce constat vaut aussi pour Goya par exemple, donc la carrière s’est faite pour l’essentiel à Madrid. Du reste, on pourra noter que la facture picturale et les sujets de l’Espagnol ressemblent souvent à ceux de Füssli. La redécouverte de ce dernier n’a commencé qu’en 1925, avec la grande rétrospective présentée à Kunsthaus de Zurich, à l’occasion du centenaire de sa mort. Depuis, sa popularité, attisée notamment par les surréalistes, mais aussi par d’autres courants qui se sont succédé en empruntant des voies opposées, ne s’est jamais démentie : un état de grâce sans doute favorisé par le pluralisme stylistique du peintre.
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Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Brunhilde regardant Gunther suspendu au plafond pendant leur nuit de noces
1807, plume encre et lavis sur papier, 48,3 x 31,7 cm
Nottingham, City Museums and Galleries
Ce dessin témoigne de l’intérêt très précoce de Füssli pour la Chanson des Nibelungen.
Tandis que le corps de Gunther pendille comme une carcasse de viande, Brunhilde est étendue sur le lit, attirante et intouchable, souriante et narquoise. Touchant au sadomasochisme, à la servitude, à la domination et au plaisir masculin refusé ou différé, la composition donne du mariage une image fort peu reluisante, et montre Mme Füssli dans un de ses rôles les plus troublants.
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Les récits de la Bible accompagnèrent Füssli longtemps après qu’il eut renoncé à sa vocation religieuse. L’artiste était attiré par le défit de représenter en peinture des thèmes bibliques inédits, surtout s’ils possédaient ce caractère visionnaire qui lui permettait d’intensifier les effets de lumière dramatiques et irréels.
Füssli nourrissait également un certain intérêt pour une littérature plus contemporaine, comme l’Oberon de Christoph Martin Wieland (poète allemand très admiré), qui exerça sur lui une influence considérable en lui inspirant des thèmes d’aventure et de romance exotiques habités d’une forte composante dramatique. La saga de Wieland raconte les aventures du chevalier Huon de Bordeaux et son amour pour Amanda (Rezia), fille du sultan de Bagdad.
Rezia plonge dans la mer avec Huon (1804-1805, huile sur toile, 61x45 cm) * : Le navire d’Huon et Amanda est sur le point de chavirer dans une tempête. Les deux personnages décident tous deux de se sacrifier et de sauter dans la mer. Toutefois, les eaux se calment et, grâce à un anneau magique que détient Amanda, ils atteignent une île, sains et saufs. Füssli représente le couple se jetant dans les flots et exploite cet épisode pour créer une composition tumultueuse et extraordinairement dynamique.
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Füssli s’employa à créer des œuvres à sensation qui lui permettraient à coup sûr de se faire remarquer, et il y parvint avec brio, avec son célèbre Cauchemar. […] L’œuvre a fait l’objet de nombreuses interprétations et l’absence avérée de consensus sur sa signification participe de sa puissance d’évocation si troublante. […] La force de ce sujet réside peut-être dans le fait qu’il s’agit d’une scène imaginaire qui n’est puisée dans aucune source clairement définie. […] Füssli fut à la fois fêté et vilipendé pour avoir créé une image aussi mémorable et aussi déplaisante, qu’il reproduira à deux ou trois reprises. […] Nombre de commentateurs ont observé les fortes connotations érotiques de cette composition, avec la tête de cheval (en anglais, the night mare signifie « la jument nocturne » ou « Le cauchemar » lorsqu’on accole les deux mots), qui apparaît entre les rideaux d’une manière qui suggère la pénétration, et la posture de pâmoison et d’abandon de la femme qui laisse imaginer un état post-coïtal. Les expressions de frénésie du cheval et du diablotin ajoutent indubitablement à l’impression écrasante de malaise, comme leur présence envahissante dans un espace aussi intime et, en théorie, aussi protégé que celui d’une luxueuse chambre à coucher. Füssli crée ainsi une nouvelle forme de terreur gothique et les frissons qu’elle suscite propulsent sa carrière et inspireront de nombreuses réinterprétations, du terrifiant au grotesque, jusqu’au XXIe siècle.
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Dès l’instant où il commence à exposer ses peintures, en 1775, Füssli ne montre plus que rarement ses dessins. Il les réalise pour capturer des idées avec l’immédiateté dont le prive la peinture. […] L’artiste préfère explorer ses obsessions, ses craintes et ses désirs les plus intimes en dehors du regard du public. […]
Même les amis de Füssli admettent qu’en tant que peintre, « sa puissance de l’exécution ne fait pas le poids par rapport à ses conceptions graphiques ». Ce sont décidément la plume, l’encre et le lavis qui donnent des ailes à ses idées.
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L’autre Füssli est complètement différent. […] Certain de ses dessins les plus privés ne sont pas seulement sensuels, mais franchement pornographiques et ne doivent avoir été partagés que dans un cercle très restreint* ; ils sont dans certains cas connectés à des sources antiques, mais d’autres fois, clairement fondés sur des observations faites dans les maisons de passe. D’autres artistes britanniques de cette période, comme J.M.W. Turner (1775-1851), utilisent également le dessin pour consigner des relations sexuelles privées, offrant ainsi un contrepoint très intime à leur iconographie et à leur réputation publiques. Une chose distingue particulièrement les dessins de femmes de Füssli, qu’ils soient très sexués ou plus pudiques, ils partagent des thèmes obsessionnels comme la domination et le rapport presque fétichiste aux cheveux et aux coiffures ornementées.


*Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Symplegma : un homme avec trois femmes, vers 1809-1810
Crayon et aquarelle sur papier, 18 x 24,5 cm
Londres, Victoria and Albert Museum

Glossaire : symplegma = groupe érotique
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1758/1759-1761
Füssli étudie la théologie au Collegium Carolinum de Zurich. Il est particulièrement influencé par l'académicien et historien Johann Jakob Bodmer. [...]
Bodmer lui fait connaître les écrits d'Homère, de Dante, de Shakespeare et de Milton, qui deviendront des sources d'inspiration essentielles de son art. [...]
En 1761 , Füssli est ordonné pasteur du culte zwinglien - inspiré par les doctrines du réformateur protestant suisse Ulrich Zwingli(1484-1531). Il semble alors s'engager dans une carrière conventionnelle et "respectable".
Il mêle dans son premier sermon études bibliques et idées des Lumières.
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On repère dans son travail des thèmes récurrents ; en particulier des sujets surnaturels et irrationnels qui fascinent et horrifient à la fois son public, répondant à un goût répandu pour le gothique et les frissons qu’il fait naître. Principalement nocturne et éclairée à la chandelle, animée par des ombres dansantes au coin de la cheminée ou en lisière de la scène, l’œuvre est peuplée de sorcières et d’apparitions à travers lesquelles l’artiste joue intelligemment sur les peurs primales.
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Füssli a dessiné plusieurs autoportraits à l’âge mûr. Dans celui-ci, il doit avoir entre quarante et cinquante ans. Son visage, posé sur ses mains disposées en coupe, est vu en gros plan ; ses yeux fixent le spectateur, ou sa propre image dans un miroir, d’un regard profond et pénétrant. […]
« Le front, par ses contours et par sa position, convient plus au poète qu’au penseur ; j’y découvre plus de force que de douceur, le feu de l’imagination plutôt que le sang-froid de la raison. Le nez semble être le siège d’un génie hardi. La bouche promet un esprit d’application et de précision. La fureur et la force, voilà ce qui distingue la plupart des figures et des compositions de cet esprit mâle. Des spectres, des démons et des possédés ; des fantômes, des anges exterminateurs, des meurtres et des actes de puissance – tels sont ses objets favoris. La forme et le système osseux de son visage caractérisent en lui le goût des scènes terribles, et l’énergie qu’elles exigent. »
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