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Christopher Baker (Autre)
EAN : 9789462303256
208 pages
Fonds Mercator (14/09/2022)
4.83/5   3 notes
Résumé :
ohann Heinrich Füssli (1741-1825) est un artiste atypique dans l’histoire de l’art européen. Célébré comme un des grands héros de la peinture outre-Manche, il a laissé derrière lui un nombre impressionnant de chefs-d’oeuvre que l’inconscient collectif a conservés, tant ceux-ci dénotent avec la rigueur néoclassique des tableaux de la même période. Suisse londonien, homme de lettres, esprit des Lumières et passionné de théâtre, Füssli est un artiste complexe qui fasci... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre est édité à la suite de la rétrospective monographique, récemment terminée, à Paris, au musée Jacquemart-André, qui a permis aux visiteurs d'explorer l'ensemble de l'oeuvre de Füssli, peintre et écrivain d'art britannique d'origine suisse. J'avoue qu'une ambiance si sombre se dégageait des affiches publicitaires, qui pointaient çà et là dans le métro et dans la ville, que je ne suis pas allée regarder l'exposition. En outre j'ai une prédilection pour les impressionnistes et des courants artistiques plus modernes, plus abstraits, qui demandent plus de « participation » au spectateur. Mais l'ouvrage était un cadeau réfléchi, et je m'y suis plongée avec joie. Je ne regrette pas de l'avoir consciencieusement étudié car il m'a ouvert les yeux !
Les apparitions en tant que des prémonitions de mort ou de désastre, ou des signes de trouble mental, sont fréquentes chez Füssli que les théoriciens d'art rangent du côté du romantisme noir. Son oeuvre qui illustre souvent des sujets littéraires ou bibliques, est essentiellement nocturne. C'est peut-être pour cela qu'en premier temps, j'ai eu besoin de créer « mon Füssli », moins dérangeant, plus lumineux, plus facétieux. Par exemple, si la plupart des oeuvres célèbres du peintre représentent des femmes endormies, en proie à leurs cauchemars et aux sorcelleries, je me suis attachée plutôt au personnage de Lycidas. C'est un jeune berger couché à la belle étoile, sous un ciel calme éclairé par un croissant de lune, comme par un sourire, tandis qu'un rêve poétique marque son visage sublime. Les oeuvres inspirées par Mme Füssli m'ont également attirée d'emblée, tant elle est belle et douce dans l'« Étude d'une jeune femme portant un chapeau et un ruban ». Je me suis arrêtée sur le tableau « Roméo et Juliette » qui est d'une sérénité insolite pour Füssli (voir ma citation correspondante). le dernier baiser donné en ôtant le linceul. Pour cette raison, il est totalement à part. Comme tous les autres toiles et dessins, il est analysé avec soin et clarté.
Grâce à ce riche et instructif album, j'ai fini par admirer Füssli en pensant à l'extraordinaire liberté de son regard en comparaison de ses sages contemporains. Dire qu'il était destiné à une carrière théologique, cet artiste au goût prononcé pour des symboles érotiques !
Surtout Füssli excelle dans l'art de montrer ses personnages en mouvement, comme « Rezia plonge dans la mer avec Huon » : « Füssli représente le couple se jetant dans les flots et exploite cet épisode pour créer une composition tumultueuse et extraordinairement dynamique. »
Les diablotins de Füssli m'ont fait revenir au gros livre « Les Gargouilles de Notre-Dame » de Michael Camille, fascinant par sa profondeur, car j'étais persuadée de les avoir aperçus dans certains chapitres. Mais non, je me suis trompée. Cependant je me suis aussi demandé si l'architecte des gargouilles Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) connaissait l'oeuvre de Füssli (1741-1825), cet homme en avance sur son temps.
En tout cas, en 1850 Viollet-le-Duc voyage en Angleterre avec Mérimée, là il a logiquement pu apprécier les tableaux de Füssli.
La dimension onirique de Füssli me fait aussi étrangement penser aux tableaux de l'Italien de Chirico (1888-1978), à ses énigmes issues de ses souvenirs personnels. La tête frénétique du cheval dans une luxueuse chambre à coucher de Füssli en est un exemple. La peinture de de Chirico est traditionnellement définie comme métaphysique parce qu'elle transpose la réalité au-delà des repères habituels et joue sur le contraste entre la précision réaliste des objets et de l'espace, que le peintre met en scène, et la dimension du songe qu'il leur offre. Les deux artistes étaient admirés par les surréalistes. Même le visage de Füssli, de profil, me rappelle celui de de Chirico, par le port de la tête, quoique je ne les aie considérés que sur des portraits ! Excusez-moi si ce billet abonde en impressions individuelles. En tous cas, c'est le livre qui est fort inspirant.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Les Ménades et les Furies de la mythologie grecque, les femmes tourmentées, animées par la rivalité dans la Chanson des Niebelungen, la Lady Macbeth de Shakespeare, prise de folie, la mère intrusive de Milton et les courtisanes vaniteuses et calculatrices de ses fantasmes secrets, toutes révèlent une palette presque encyclopédique d’états psychologiques et d’expériences. Ces femmes s’évanouissent, rêvent, marchent en somnambules, elles ont des visions (quand elles n’y apparaissent pas), elles sont prises de folie, tuent ou torturent. Rarement soumises, le sexe est pour elles une affaire compliquée, que ce soit avec d’autres femmes ou avec des hommes faibles.
[…] En 1788, Füssli épousa Sophia Rawlins, un jeune modèle. […] Si elle ne possédait pas son éducation, elle était belle, dévouée et d’une certaine force de caractère, puisqu’elle ferma la porte de leur domicile à Mary Wollstonecraft, pionnière du féminisme. Entichée du peintre, cette dernière avait proposé un ménage à trois. Les portraits que dessinait Füssli de Sophia mettaient de plus en plus l’accent sur ses tenues somptueuses et sa coiffure sophistiquée.
[…] A présent il se pliait à l’extravagance vestimentaire et au fétichisme capillaire de Sophia, ce qui avait probablement déjà été le cas avec Magdalena Hess, qui était capable d’entrer en transe dès qu’on la coiffait.
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Si Füssli n’a pas bénéficié d’une reconnaissance plus grande et s’il ne s’est pas fait une place plus établie dans l’art de son temps, ce n’est pas seulement à cause de son extrême originalité, de sa position singulièrement émancipée par rapport au paradigme dominant de l’Antiquité mais sa domiciliation à Londres qui a également pesé de manière déterminante. Quiconque ne travaillait pas durablement à Rome ou à Paris, les centres artistiques incontestés de l’époque, restait relégué à la marge. Ce constat vaut aussi pour Goya par exemple, donc la carrière s’est faite pour l’essentiel à Madrid. Du reste, on pourra noter que la facture picturale et les sujets de l’Espagnol ressemblent souvent à ceux de Füssli. La redécouverte de ce dernier n’a commencé qu’en 1925, avec la grande rétrospective présentée à Kunsthaus de Zurich, à l’occasion du centenaire de sa mort. Depuis, sa popularité, attisée notamment par les surréalistes, mais aussi par d’autres courants qui se sont succédé en empruntant des voies opposées, ne s’est jamais démentie : un état de grâce sans doute favorisé par le pluralisme stylistique du peintre.
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Les récits de la Bible accompagnèrent Füssli longtemps après qu’il eut renoncé à sa vocation religieuse. L’artiste était attiré par le défit de représenter en peinture des thèmes bibliques inédits, surtout s’ils possédaient ce caractère visionnaire qui lui permettait d’intensifier les effets de lumière dramatiques et irréels.
Füssli nourrissait également un certain intérêt pour une littérature plus contemporaine, comme l’Oberon de Christoph Martin Wieland (poète allemand très admiré), qui exerça sur lui une influence considérable en lui inspirant des thèmes d’aventure et de romance exotiques habités d’une forte composante dramatique. La saga de Wieland raconte les aventures du chevalier Huon de Bordeaux et son amour pour Amanda (Rezia), fille du sultan de Bagdad.
Rezia plonge dans la mer avec Huon (1804-1805, huile sur toile, 61x45 cm) * : Le navire d’Huon et Amanda est sur le point de chavirer dans une tempête. Les deux personnages décident tous deux de se sacrifier et de sauter dans la mer. Toutefois, les eaux se calment et, grâce à un anneau magique que détient Amanda, ils atteignent une île, sains et saufs. Füssli représente le couple se jetant dans les flots et exploite cet épisode pour créer une composition tumultueuse et extraordinairement dynamique.
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Füssli s’employa à créer des œuvres à sensation qui lui permettraient à coup sûr de se faire remarquer, et il y parvint avec brio, avec son célèbre Cauchemar. […] L’œuvre a fait l’objet de nombreuses interprétations et l’absence avérée de consensus sur sa signification participe de sa puissance d’évocation si troublante. […] La force de ce sujet réside peut-être dans le fait qu’il s’agit d’une scène imaginaire qui n’est puisée dans aucune source clairement définie. […] Füssli fut à la fois fêté et vilipendé pour avoir créé une image aussi mémorable et aussi déplaisante, qu’il reproduira à deux ou trois reprises. […] Nombre de commentateurs ont observé les fortes connotations érotiques de cette composition, avec la tête de cheval (en anglais, the night mare signifie « la jument nocturne » ou « Le cauchemar » lorsqu’on accole les deux mots), qui apparaît entre les rideaux d’une manière qui suggère la pénétration, et la posture de pâmoison et d’abandon de la femme qui laisse imaginer un état post-coïtal. Les expressions de frénésie du cheval et du diablotin ajoutent indubitablement à l’impression écrasante de malaise, comme leur présence envahissante dans un espace aussi intime et, en théorie, aussi protégé que celui d’une luxueuse chambre à coucher. Füssli crée ainsi une nouvelle forme de terreur gothique et les frissons qu’elle suscite propulsent sa carrière et inspireront de nombreuses réinterprétations, du terrifiant au grotesque, jusqu’au XXIe siècle.
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Johann Heinrich Füssli (1741-1825)
Brunhilde regardant Gunther suspendu au plafond pendant leur nuit de noces
1807, plume encre et lavis sur papier, 48,3 x 31,7 cm
Nottingham, City Museums and Galleries
Ce dessin témoigne de l’intérêt très précoce de Füssli pour la Chanson des Nibelungen.
Tandis que le corps de Gunther pendille comme une carcasse de viande, Brunhilde est étendue sur le lit, attirante et intouchable, souriante et narquoise. Touchant au sadomasochisme, à la servitude, à la domination et au plaisir masculin refusé ou différé, la composition donne du mariage une image fort peu reluisante, et montre Mme Füssli dans un de ses rôles les plus troublants.
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