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Critique de Agneslitdansonlit


C'est le genre épistolaire que choisit Sarah Biasini, pour s'adresser à sa petite Anna à naître. Une fille à laquelle elle se raconte, à travers ses peurs, ses doutes, ses douleurs, ses espoirs, en effleurant forcément le fait d'être la fille d'une mère, mais aussi celle de Romy Schneider. Quel terrible paradoxe que d'avoir si peu de souvenirs personnels de sa maman car cette dernière s'est éteinte trop tôt, laissant une enfant bien trop jeune et dans le même temps de vivre dans une société où tant de personnes ont un souvenir si précis de cette maman, mais dans son rôle d'actrice. Comment ne pas travestir le souvenir d'une mère en calant dessus les images de la comédienne ? Grandir avec l'absence mais grandir surtout en ne troquant pas des souvenirs réels avec des images tirées d'une fiction.
Sarah Biasini nous conte ses rencontres nécessaires avec ceux qui, côtoyant l'actrice, ont eu accès à une part d'intimité.

Mais si elle nous raconte comment elle a pu, malgré cette absence, se construire, entourée d'amour, l'épine de douleur ressurgit au moment d'être mère à son tour. Et je ne pense pas que ce soit l'absence de modèle qui la blesse, car sa grand mère courage, merveilleuse, a su pallier ce manque. Si n'importe quelle mère au monde a peur pour ses enfants, que peut-il en être pour celles qui ont déjà été frappées par le drame ? Comment ne pas trembler de façon irraisonnée pour son enfant quand on sait la fragilité d'une vie. Celle d'une mère et d'un frère emportés si jeunes. Si de n'avoir jamais été éprouvé par la vie procure une légèreté, voire un sentiment de toute puissance, ceux qui ont déjà été frappés par le chagrin savent bien, que l'on n'est pas à l'abri, qu'il faut si peu de temps pour perdre tant...

Si j'ai été dans un premier temps assez agacée par l'écriture, chétive et factuelle, j'ai tout pardonné à Sarah Biasini une fois lu ce passage :
"Ce matin, tu tombe de la table à langer. [...]
Le bruit sourd, mat, résonne dans mes oreilles. Je voudrais t'arracher à ses bras, dans lesquels tu as l'air si bien, persuadée, dans ma démesure, d'être la seule à pouvoir te soulager. Je me retiens heureusement mais je pars me frapper le visage dans le couloir. Me donner des claques pour que tu ne sois pas la seule à avoir mal, avoir plus mal que toi, t'enlever immédiatement la douleur, alors que tu ne pleures déjà plus. Parce que je m'en veux de n'avoir pas su t'éviter cette chute. Ton père est déjà malheureux. Il y aura tellement d'autres bosses, mais je vais jusque là.
À travers ta douleur, c'est la mienne que j'entends. J'ai l'impression que tu souffres plus que moi. Il n'en n'est rien. Je hurle, pas toi. Toi, tu découvres le monde. Moi, je le vis une deuxième fois. J'ai peur pour la deuxième fois."

Parce qu'elle nous livre sa douleur, crue, violente et ravageuse de n'avoir pas su protéger sa fille et de comprendre que, comme nous toutes, et malgré des trésors de prévoyance et de "balisage de terrain", elle en sera réduite elle aussi, à faire de son mieux...

Et si Sarah Biasini réprouve le choix de sa mère de s'être laissée filmer dans un documentaire, où elle livre sa profonde fatigue, donnant d'elle une image de femme abîmée et dévolue au désespoir, je ne peux m'empêcher en relisant ce passage ci-dessus, puissant de douleur, de penser à cette scène terrible ouvrant "L'important, c'est d'aimer".
Si l'écriture n'est pas vraiment au rendez-vous, il n'en reste pas moins que ce premier roman est très émouvant et rend hommage à celles qui restent filles de leur mère mais deviennent mères de leur fille, pour reprendre la très jolie formule de l'auteure elle-même.
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