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Critique de deashelle


Comédienne, peintre et metteur en scène, Véronique Biefnot, chargée de solides diplômes a connu toutes les planches de nos théâtres belges et s'y est distinguée avec grand brio. La brûlante jeune femme manie non seulement le pinceau mais surtout la plume, et ce avec Passion. Elle s'intitule - un peu de dérision fait du bien - la reine du thriller amoureux. En la suivant dans son énigmatique trilogie on ne peut que succomber sous l'inventivité de l'écriture et l'attrait d'une escapade réaliste dans les mondes intérieurs pour recouvrer une dignité volée.

D'une part l'auteur nous plonge dans les scènes de vie du monde réel d'une ville européenne moderne où se tissent des liens sociaux tout à fait ordinaires entre amis, ponctués de dialogues des plus communs. Mais de l'autre, elle sonde à travers des voix plurielles de mystérieux fantasmes et ose mettre en lumière l'horreur de faits divers qui ont secoué la Belgique récente, mettant à vif avec précision nos pires hantises. Mais la magie de l'écriture fait naître de ce cloaque des vols de papillons glorieusement libres : ouf ! Trois livres qui célèbrent des métamorphoses successives qui naissent en spirales à moins que l'on ne parle carrément de rédemptions.

Dans « Comme des larmes sous la pluie », il y a cet écrivain, Simon Bersic qui se remet difficilement de la perte de sa femme et qui du fond de l'abîme de tristesse où il se noie se métamorphosera en ange gardien par la rencontre d'une âme fracassée par l'expérience d'une jeunesse abominable. Tout l'art de Véronique Biefnot est de promener le lecteur dans la géographie mystérieuse des secrets, nous faire entendre une voix enfantine lourde de symbolique, nous égarer dans les méandres de la reconstruction d'une personnalité, sans aucun jugement, comme Simenon. Mais avec une réelle passion pour la vie.

L'envoûtement continue avec « Les murmures de la terre » où le rêve amoureux de Simon se déleste de tout égoïsme : le souci de l'autre passe en premier. Il laisse ne effet sa compagne Naëlle assaillie par les cauchemars et le mal de vivre, effectuer un voyage initiatique en Bolivie. L'art de la narratrice nous emmène dans l'exploration du monde amérindien de sa sagesse et de ses sortilèges. le souffle romanesque s'y déploie dans toute sa puissance, évoquant la forêt amazonienne, les cultures ancestrales chatoyantes et les forces spirituelles de la nature, conjurant au passage pour Naëlle le déni de sa sexualité. Comme dans tout bon roman, on est happé dès la première ligne, et lorsqu'on le lâche à la sortie du chaos, on est sous la sensation d'avoir ajouté du vécu exceptionnel à notre vécu quotidien. Et comme Simon on s'aperçoit que « confrontés à ce qui les dépasse, les hommes ne peuvent décidément que diviniser ou détruire.» S'agirait-il de la féminité?

Le dernier volet, « Là où la lumière se pose » nous laisse toujours aussi ému devant l'amour inconditionnel de Simon et son approche bienveillante du monde. Cette fois, toujours sur le mode de la liberté et de la quête existentielle, le défi de Naëlle est de l'ordre de l'exploit physique dans lequel elle entraîne son compagnon de fortune. Plongée dans les replis de la terre pour arracher un art de vivre qui conjurera la mort. Plongée dans l'univers tout aussi asphyxiant des sectes pour retrouver une soeur dont elle a été séparée à l'âge de huit ans. La question de l'identité sexuelle de Naëlle et sa force de caractère rendent la lecture haletante. Est-elle Une ou plusieurs ? L'un ou l'autre ? L'une et l'autre ? Qu'en est-il de notre propre approche ? Dès le premier roman l'écriture a des allures de mosaïque étourdissante et on se demande souvent quelle voix emprunter… . Toujours dans sa réflexion sur la famille et les liens du sang, Véronique Biefnot aborde aussi la relation père /fils orphelin de mère, une problématique exploitée avec finesse par la romancière qui souligne à nouveau le danger des addictions psychologiques vénéneuses et celui la fascination pour les gourous de toute espèce.
La force d'une trilogie est tout l'art est d'éviter les redites et permettre tout de même de pouvoir lire chaque livre isolément. Véronique Biefnot maîtrise cet art car le renouveau et l'amplification dramatique sont chaque fois au rendez-vous.
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