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Critique de hcdahlem


Père alcoolo, père mourant, père absent

Le personnage principal du nouveau roman de Sophie Bienvenu n'a rien d'un super-héros. Mais Yvan, un gars ben ordinaire, ne veut pas mourir avec des regrets. Sa quête est très touchante.

Quand Yvan reprend connaissance, il est dans un lit d'hôpital. Quelques heures auparavant, il s'apprêtait à regarder la télévision avec Miche, sa colocataire, quand il s'est senti mal. Puis est tombé dans le coma.
Une expérience douloureuse qui le secoue et l'entraîne à dresser son bilan personnel, qui n'est guère reluisant. Lorsqu'il rembobine le film de sa vie, il trouve d'abord quelques aventures, avant de rencontrer Eliane, avec laquelle il a construit sa vie de couple. À 25 ans, il avait «une femme que tous les hommes enviaient, une enfant merveilleuse et en bonne santé, une belle voiture». Pourtant, il restait insatisfait. «J'avais l'impression de vivre une vie qui n'était pas la mienne et de m'être engagé sur des rails qui m'entraînaient à des kilomètres de là où je désirais aller. Mais où désirais-je aller et qui étais-je?» Il divorce, perd le contact avec sa fille Gabrielle.
Maintenant que les décennies étaient venues s'ajouter aux décennies, cette interrogation ressurgissait. Il considère sa fille comme sa grande réussite et, maintenant qu'il se sait condamné à court ou moyen terme, entend renouer les liens avec elle.
Oubliée Miche, qui avait pris du poids et s'était mise à boire, certes moins que lui, mais suffisamment pour détériorer son image. Il décide de partir, de jouer sa propre version de Thelma et Louise. Et s'il est Thelma, alors son chat est Louise. Car après un premier départ avorté, il revient chercher son animal domestique: «J'ai pas pu faire autrement que de m'attacher au chat, il était entré dans ma vie gros comme mon poing, maigre comme une corde à linge, le poil hirsute, les yeux collés, donc ou je m'en occupais, ou il mourait.»
Le taxi le conduit jusqu'au domicile d'Éliane, sans doute l'une des seules adresses à figurer dans son répertoire. Accueilli par Trevor, son nouveau compagnon, ex-hockeyeur, il est le bienvenu, à sa grande surprise. Mais il n'oublie pas son objectif et part retrouver sa fille.
Je me garderai bien de vous dévoiler l'issue de la rencontre, mais j'ai envie de souligner combien Sophie Bienvenu réussit une subtile réflexion sur le rapport père-fille. En construisant son roman sur les émotions ressenties, en mêlant souvenirs d'enfance et expériences actuelles, sans souci de la chronologie, elle met le coeur à nu. Et en jouant sur l'urgence, elle fait tomber les masques. Désormais, il n'est plus possible de se dissimuler: «Moi, je suis né avec plein d'aspérités et de failles où la merde s'est toujours incrustée. Et, à un moment donné, avec tout ça, j'étais plus capable d'avancer. Ça a commencé avant que tu viennes au monde, en fait il me semble que j'ai toujours été comme ça.»
Comme dans Chercher Sam, son précédent roman dans lequel un homme parcourait les rues de Montréal à la poursuite d'un chien, la romancière nous fait entrer dans la tête de son personnage, dans sa volonté d'y mettre de l'ordre. Mission difficile, voire impossible, mais ô combien touchante.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.

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