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Critique de Liliseron


Je referme avec stupeur L'île, de Sigridur Hagalin Björnsdottir. Je m'attendais à être plongée dans un roman de fin du monde et j'en ressors avec une démonstration de la genèse d'un régime fasciste. J'en ai encore la chair de poule !

L'Islande se retrouve coupée du monde du jour au lendemain de façon inexplicable. Plus de communications à l'international, plus de bateaux, plus d'avions. Ceux qui partent ne reviennent pas et plus personne n'arrive jusqu'à l'île. Les habitants doivent bientôt s'accommoder d'une situation qu'ils pensaient bien évidemment ponctuelle et toute la société en est chamboulée… Bientôt, il n'y aura plus de médicaments pour soigner les malades, plus de pétrole pour remplir les réservoirs des voitures et des camions, plus de produits importés et pire que tout, plus à manger pour tout le monde… comment nourrir 350 000 personnes, alors que l'histoire a prouvé que l'Islande, en autosubsistance, ne pouvait en faire vivre que 50 000 ?

Au coeur de cette société en mutation accélérée Hjalti, journaliste, et Maria, violoniste et mère de deux enfants, se séparent. le roman suit principalement l'évolution des deux personnages, souvent éloignés l'un de l'autre, parfois rapprochés, dans la grande aventure du retour aux sources de l'Islande ! Car le gouvernement, pour sauver ce qui peut l'être et redonner espoir au peuple se lance dans une propagande à base de chandails tricotés, de cheveux tressés et de champs de patates à cultiver. En façade, le côté bucolique de la transition a de quoi charmer. Cependant, décision gouvernementale après décision gouvernementale, l'état d'Islande grignote petit à petit les libertés des habitants, entretient la mise à l'écart de l'opposition, arme ses sauveteurs, pratique la rétention d'informations, maquille des enquêtes, exacerbe le sentiment d'appartenance nationale et persécute des populations non islandaises « de souche » … toujours sous couvert de la « nécessité nationale ». Lentement mais sûrement, le régime démocratique bascule en un régime liberticide, totalitaire, capable de tout.

Par rapport à tous les livres que j'ai lu sur « la fin du monde » celui-ci diffère des autres en cela que l'autrice maintient les institutions en place, alors que la plupart (enfin, ceux que j'ai lu) font plutôt la part belle à la survie individuelle, en forme de robinsonnade et dans lesquels toute forme d'organisation sociétale a été anéantie. Il est à souligner que le rôle des journalistes comme outils de propagande est bien mis en avant grâce au personnage de Hjalti, qui va devoir subir bien des épreuves avant d'ouvrir les yeux. L'autrice, par ailleurs journaliste à la télévision publique islandaise avait peut-être un message à faire passer à certains confrères et consoeurs ?
En tout cas la démonstration est très convaincante, inspirée à la fois de réalités historiques et de problématiques d'actualité, et sonne comme une mise en garde sur l'avenir de nos sociétés.

Le seul petit bémol qui m'empêche de noter cinq étoiles concerne le style pas toujours très recherché et des dialogues insérés dans le texte sans ponctuation particulière pour les signaler, ce qui est assez déstabilisant. Cela n'empêche cependant pas la lecture, le fond l'emportant largement sur la forme !
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