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Critique de Jbh1703


Le titre est alléchant et fait penser au très bon film allemand « Goodbye Lénine », malheureusement, il faut bien convenir que ce n'est pas un très bon livre.
- soit vous détestez déjà Poutine auquel cas ce livre vous confortera dans votre opinion sans rien apporter de neuf,
- soit vous n'avez pas une opinion aussi tranchée sur la crise Ukrainienne, auquel cas vous ne valez pas mieux que Anders Behring Breivik (le massacreur norvégien) et vous êtes sans doute incurable (pardon d'être taquin mais c'est à peu près la thèse de livre).

Rassurez-vous, j'appartiens à la première catégorie, celle qui déteste Poutine, ce qui ne m'empêche pas de chercher à comprendre comment deux peuples qui parlent des langues très proches, dont de nombreuses personnes ont des liens familiaux de l'autre côté de la frontière, souhaitent leur destruction mutuelle.

Le livre n'aide en rien à comprendre car il ignore systématiquement tous les points qui pourrait nuire à la pureté du raisonnement : tout vient de Poutine, à la fois nouvel Hitler et nouveau Staline! Parmi les points ignorés ou bizarrement traité ou qui dérangent, on peut citer :
- de nombreux ukrainiens ont cru au communisme et à l'URSS : Trotski, Khrouchtchev et Brejnev pour ne citer que les plus connus...
- Une littérature ukrainienne de langue russe et de grande qualité existe Gogol, Boulgakov, Grossman par exemple ou même Akhmatova ukrainienne par sa mère,
- Les régions sud et est de l'Ukraine, n'ont jamais parlé ukrainien, dès lors pourquoi vouloir éradiquer la culture et la langue russe? N'est-ce pas l'une des causes profondes des évènements ? (Dans le livre on prend soin de distinguer parmi les russophones : les russes ethniques (20% de la population du pays), des ukrainiens ethniques (à peu près 20% également). Outre que tous ces raisonnements ethniques sont discutables, ni la genèse de ces chiffres, ni leur date ne sont précisés.
- Holodomor est sans contestation possible un crime contre l'humanité. Il a aussi touché d'autres populations et d'autres régions que l'Ukraine. Si la définition de génocide s'applique, elle ne s'applique pas qu'aux seuls ukrainiens.
- La dynastie des Riourikides qui a dominé la Rus' de Kiev est progressivement descendu vers le sud en suivant la route fluviale des Varègues aux grecs, en fondant d'abord Novgorod avant de s'établir à Kiev. le souverain régnait à Kiev, son fils ainé à Novgorod, ses autres fils et frères, neveux… dans les autres principautés. A partir de Kiev, la religion orthodoxe a progressivement dominé tout cet ensemble. le système de succession de Kiev qui fragmentait les principautés à chaque nouvelle génération a considérablement affaibli la puissance de la Rus'. L'arrivée des mongols a détruit le coeur de cet ensemble dont ont réchappé les principautés du nord Novgorod mais surtout Souzdal dont les princes sont devenus princes de Vladimir et Moscou. Les principautés les plus à l'est ont aussi échappé au désastre avant d'être absorbée par la république des deux nations (Pologne et Lituanie).
- le livre invente une histoire différente qui ne semble que très partiellement soutenue par le département « Langue et Civilisation Ukrainienne de l'Inalco (anciennes Langues ‘O) », pourtant farouchement nationaliste. le fait qu'un puissant royaume, la Rus' ait choisi de se nommer Ukraine (ce qui signifie la périphérie en russe comme en ukrainien) semble particulièrement bizarre. Au reste ces tentatives récentes de faire parler l'histoire dans un sens ou dans l'autres n'ont que très peu d'intérêt et n'expliquent pas grand-chose de la crise actuelle.
- Les cosaques, qui sont tant idéalisés dans le livre, sont majoritairement restés fidèles au Tsar lors de la bataille de Poltava. Les cosaques formeront notamment la force de police du tsar (une force assez brutale d'ailleurs lors du Dimanche rouge de Saint Pétersbourg en 1905). Ils seront nombreux dans l'armée blanche lors de la guerre civile.
- le refus des dirigeants russes d'accepter des bases de l'Otan et des armes américaines à proximité de leurs frontières, en Ukraine, évoque inévitablement la crise des missiles de Cuba en 1962. Kennedy avait alors affiché sa détermination à conduire une 3ème guerre mondiale. L'URSS a reculé : tant mieux pour l'humanité ! de nombreux dirigeants dont Merkel mais aussi Kissinger ont clairement exprimé leur désaccord à cette extension de l'Otan, pourquoi ?
- Les accords de Minsk prévoyaient une organisation politique fédérale dans le respect des différentes langues et cultures qui composent l'Ukraine. Pourquoi ces accords n'ont-ils pas été mis en oeuvre ? Quelle est la responsabilité du gouvernement ukrainien actuel ?
- Quels ont été le rôle des USA et des oligarques russes dans la réélection d'Eltsine en 1996, réélection qui a amené Poutine au pouvoir ? En échange de leur assistance financière, les oligarques ont mis la main sur le secteur de matières premières, c'est-à-dire l'essentiel de l'économie russe. Ils sont devenus monstrueusement riches au prix d'une corruption politique sans équivalent. Aujourd'hui certains, comme Khodorkovski, sont devenus des champions de la démocratie. Comment leurs faire confiance ?
J
'oublie certainement de nombreuses questions non traitées ou traitées de façon discutable dans ce livre.

L'invasion de l'Ukraine constitue certainement un crime et une faute majeure de Poutine (selon l'expression de Fouché) . Ce dirigeant, à qui beaucoup, en Russie et ailleurs, reconnaissent le mérite d'avoir remis en marche un pays laissé dans un état catastrophique par Eltsine a lamentablement échoué par la suite. (Parmi d'autres indicateurs, l'espérance de vie des hommes avait tout de même chuté de 7 ans pendant les années '90 idéalisées par certains, dont Hélène Blanc.)

La situation en Europe est aujourd'hui catastrophique et inextricable. Sauf à souhaiter vivre les cinquante prochaines années à côté d'une nouvelle Corée du Nord gigantesque à nos portes, il va falloir commencer à penser à des solutions créatives qui reposent sur autre chose que l'escalade militaire.
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