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Critique de YvesParis


Les éditions du CNRS ont pris l'heureuse initiative de réunir en un seul volumineux ouvrage de plus de 700 pages les trois tomes dans lesquels les chercheurs de l'ACHAC ont décrit l'émergence ("Culture coloniale 1871-1931"), l'apogée ("Culture impériale 1931-1961") et la persistance ("Culture post-coloniale 1961-2006") d'une culture coloniale. Il s'agit de renverser la perspective habituelle qui insiste sur les bouleversements provoqués par la colonisation dans les colonies pour montrer combien la métropole elle-même a été influencée en retour par les conquêtes coloniales. Cette thèse était au centre de "La fracture coloniale" qu'ils avaient publié en 2005 et qui décrivait les effets laissés dans la société française par les héritages coloniaux. Ce livre avait eu un certain retentissement et avait provoqué un débat tandis que battait son plein la controverse sur la loi du 23 février 2005 dont l'article 4 avait bien imprudemment recommandé de valoriser dans les programmes scolaires les aspects positifs de la colonisation. D'un côté, ou lui savait gré de remettre le legs colonial au coeur du débat du l'identité nationale dont il avait été trop longtemps refoulé. de l'autre on lui avait reproché de faire le lit du communautarisme.

"Culture coloniale" est moins sociologique, plus historique dans son approche. L'histoire de la culture coloniale depuis 1870 est décrite dans ses moindres aspects. Les auteurs sont particulièrement convaincants quand ils montrent comment les Français durant l'entre deux guerres ont baigné dans une culture coloniale omniprésente qu'ils traquent au cinéma, au music-hall, dans la littérature de voyage mais aussi dans des objets plus surprenants : les cartes postales, les jouets, la publicité (le nègre hilare de Y'a bon Banania est bien sûr mentionné). Ce travail de déconstruction empirique d'un ensemble de dispositifs culturels démontre la force de séduction exercée par la culture coloniale. La conséquence fut l'adhésion quasi-unanime des Français de l'Empire, qui culmine lors de l'Exposition coloniale de Vincennes de 1931.

Même si elle peut susciter quelques réserves, l'oeuvre des chercheurs de l'ACHAC présente une cohérence admirable et mérite d'être saluée. Depuis une quinzaine d'années, Blanchard, Lemaire et Bancel poursuivent leurs recherches sur la colonisation, la construction de l'image de l'autre, les liens entre immigration et décolonisation, dans une multitude de recherches et d'ouvrages : l'essai "La République coloniale" publiée avec Françoise Vergès, le colloque "Les Zoos humains" à l'Institut du monde arabe fin 2001, l'ouvrage de vulgarisation "De l'indigène à l'immigré" chez Découvertes Gallimard, la collection "Le Paris noir", "Le Paris arabe", "Le Paris Asie", etc.
Sans doute serait-il exagéré de comparer cette entreprise à celle dont Pierre Nora fut le maître d'oeuvre dans les années 80 avec "Les lieux de mémoire". Mais elle n'en présente pas moins certaines similitudes : le travail en équipe, l'intérêt porté à des formes négligées d'expression populaire (les objets quotidiens, le cinéma, les guides de voyages…), le souci constant d'articuler cette recherche historique à une mise en tension de problématiques sociologiques contemporaines.
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