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Citations sur Dans l'épaisseur de la chair (53)

Manuel se demanda si ce type était un héros, un saint martyr ou un abruti, l'une des trois couleurs primaires dont le mélange produit l'infinie diversité de la palette humaine.
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Mais sans doute vient-il trop tard ce moment où un être humain réalise qu'il sera toujours moins que son propre père, moins que son propre fils, moins que ce qu'il avait rêvé d'être.
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Flavi était resplendissante, de cette beauté qui transforme le corps plurôt qu'elle n'en résulte. Un chignon lâche de cheveux blonds, retenu assez bas sur la nuque, des yeux en amande avec ce bleu regard de myope, cette trouée de ciel où se lisait d'emblée sa franchise désarmante comme le filigrane de son élégance.
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Ecoute- moi, André, se tromper ce n'est pas à coup sûr faire preuve de bêtise, mais persévérer dans son erreur, c'est pas souvent un signe d'intelligence
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Mon père a quatre vingt treize ans (...). Je suis fier d'être son fils pour une infinité de raisons, mais je l'admire aussi, j'en conviens, pour avoir réussi à transformer toute partie de pêche en liturgie. Notre bon palangrier en bois, construit en 1980 par Cacciutolo à Port-Saint-Louis, est ainsi devenu au fil des jours une sorte de serapeum flottant, un sanctuaire regorgeant de rites propitiatoires impénétrables, d'ex-voto corrodés, d'aires sacrificielles délimitées au centimètre près. Tout y fait signe, le moindre geste y est lourd de conséquences. La façon de se déplacer d'un bord à l'autre, de tester un fil de nylon, de boire, de se nourrir ! Mon père est un chaman tout entier dédié à sa quête des profondeurs marines, il exige de tous ceux qui désirent communier avec lui et profiter de son savoir la même ascèse quasi religieuse, les mêmes privations qu'il s'inflige chaque jour sans sourciller : pour six à huit heures de pêche, il n'emporte en tout et pour tout que la thermo chinoise (trois tasses de café), une bouteille d'eau congelée (pour tenir au frais le poissons dans la glacière ; on peut en boire quelques gouttes vers onze heures, lorsque le glaçon commence à fondre un peu, mais c'est mal vu) et quatre biscottes sous cellophane (il en mangera une vers dix heures - il a du diabète, affaire de vie ou de mort - et moi une autre, par désoeuvrement ou parce que j'ai envie de fumer). C'est comme ça depuis quarante ans que je vais à la pêche avec lui, et je ne m'en porte pas plus mal. Les rares fois où mon père a accepté d'emmener quelqu'un d'autre avec nous, prenant sur lui pour ne pas imposer à son invité nos règles cisterciennes, cela s'est toujours mal passé. La personne en question se ramenait à bord avec des croissants, du pain frais, des rillettes, du pastis et du rosé ! Toutes victuailles auxquelles nous refusions de goûter mon père et moi, ce qui avait le don de mettre mal à l'aise notre passager et visait secrètement à l'écoeurer de notre compagnie. Il est bien évident que dans une telle situation, nous ne touchions pas à une seule biscotte ni même à l'eau ou au café que nous laissions entièrement à disposition de notre victime. Allez, allez, nous ne sommes pas ici pour nous amuser, a toujours dit mon père chaque fois que nous arrivions sur les lieux de pêche et que je tardais une seconde à mette ma ligne à l'eau. J'ai entendu cette phrase toute mon enfance, sans comprendre qu'elle résumait une philosophie, et non le désir d'amasser le plus de poissons possible dans un temps donné : la pêche est une activité sérieuse, une cérémonie - j'y insiste - qui demande le dévouement de tout son être. Une sorte d'incursion dans le monde des ténèbres qu'il faut gagner de haute lutte. Revenir bredouille, ce n'est pas bien grave mais c'est quand même s'être montré indigne. Un peu comme de perdre une partie d'échecs. L'adversaire a été plus fort, à nous d'en tirer les conclusions. Pas la bonne lune, la prochaine fois faudra partir plus tôt ; les daurades roses remontent le tombant vers les fonds de deux cent cinquante mètres dans l'après-midi - mon père assure que Cousteau a écrit ça quelque part - ce qui voudrait dire qu'on a calé nos lignes trop profond ; aujourd'hui on a choisi des plombs de cinq cents grammes, demain on essayera plus lourd pour pallier les effets du courant ; les sardines étaient pourries à force d'avoir été recongelées, l'invité présent nous a porté la scoumoune... Tout peut être prétexte à expliquer cette chose incompréhensible : pourquoi n'a-t-il pris ce jour aucun poisson à l'endroit même où hier encore nous en avons pêché une lessiveuse ?
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Je n'ai pas peur ou pas encore. Quant à prier, j'ai toujours préféré la violence de mes angoisses au sommeil de la raison; je suis heureux que mon cerveau m'épargne la déchéance de la supplique... J'ai biffé rageusement sourates et versets, puis recopié en marges la fière injonction de Marc Aurèle " Vivez une bonne vie. S'il y a des dieux et qu'ils sont justes, alors ils ne se soucieront pas de savoir à quel point vous avez été dévots, mais vous jugeront sur la base des vertus par lesquelles vous avez vécu. S'il y a des dieux mais qu'ils sont injustes, alors vous ne devriez pas les vénérer. S'il n'y a pas de dieux, alors vous ne serez pas là, mais vous aurez vécu une vie noble qui continuera d'exister dans la mémoire de ceux que vous aurez aimés. Je n'ai pas peur."
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Mon enfant, marmonna-t-il en prenant son plus bel accent pied-noir, si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, tu seras un homme, ma fille !
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Il en va des pieds-noirs comme des Bizantins, ils n'ont existé en tant que tels qu'une fois leur monde disparu.
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«  Il en va des pieds-noirs comme des Byzantins, ils n’ont existé en tant que tels qu’une fois leur monde disparu. » (page 59)
"Mon père a assisté aux massacres de Sétif, il n'a rien fait, rien dit, rien ressenti, et je ne parviens ni à l'excuser ni à l'en blâmer. Il n'est pas si facile de percevoir ce que l'on voit ; il faut beaucoup d'efforts, de concentration sur l'instant présent, sur ce qu'il offre à notre regard, pour ne pas limiter ses yeux à leur simple fonction de chambre noire." (p.241).
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La France s'est dédouanée de l'Algérie française en fustigeant ceux-là même qui ont essayé tant bien que mal de faire exister cette chimère. Les pieds-noirs sont les boucs émissaires du forfait colonialiste.
Manuel ne voit pas, si profonde est la blessure, que ce poison terrasse à la fois ceux qui l'absorbent et ceux qui l'administrent. La meule a tourné d'un cran, l'écrasant au passage, sans même s'apercevoir de sa présence.
Il y aura un dernier pied-noir, comme il y a eu un dernier des Mohicans.
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