Je ne peux rester insensible aux pitreries car au plus profond de moi-même je trouve toujours un clown et je voudrais intituler ma vie entière «Entrée comique» (tenez, beau titre de roman !) et je voudrais que tous les hommes autour de moi envoient au diable leurs «personnages» pour nous avouer sincèrement qu'ils sont aussi des clowns, qu'ils ne se prendront plus au sérieux, qu'ils iront danser dans les rues tout nus en agitant le «gugusse d'amour». Vive le cirque de tous les jours ! Et puis voici notre instant de repos, le pauvre, celui qui pèse au clown et dont rien ne paraît recommencer. […] je passe pour un type un peu piqué mais amusant [...].
(p. 50-51)
C'est donc sans surprise qu'en plein cœur d'une réflexion sur le salut en ce lieu nommé sanatorium, on trouve mentionné pour la première fois le nom de Blecher dans un carnet de Minet : « À Berck, divers moyens de se sauver. Et d'abord, se sauver de quoi ? - De l'ambiance, de l'ample promiscuité. Il me semble que la première perte que l'on fait en arrivant ici est celle de soi-même. Du moins rapidement a-t-on [en marge : ou moi, Blecher, d'autres sûrement] le sens de s'être perdu, de ne se retrouver plus. Après (après que l'on s'est assimilé l'ambiance) l'on s'efforce de se retrouver, justement. On sent que le salut est en soi. D'où la recherche de ce "soi", difficile et trop violemment poussée pour être constante. »
(p. 92-93)
Et puis je crois que les passions sont seules à nous donner une CHANCE d'harmonie, dont vous rêvez tant et dont la notion me pénètre chaque jour davantage, comme un accomplissement et aussi comme une perfection de la reconnaissance amicale que je vous porte pour sa révélation.
(p. 46)
Blecher : au fond, un grand malade. Le décrire. Chez lui, la maladie est une initiatrice. Elle lui ouvre les champs de la poésie, d'un certain drame, de l'assez vraie atmosphère spirituelle.
(Pierre Minet, 6 juin 1931, p. 93)