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Critique de Bastien_P


Quand l'instinct rencontre ses créateurs


L'écriture de James Blish a été considérée comme “aride”, c'est même inscrit dans la courte biographie imprimée à l'intérieur de ce format poche. Rien n'est plus éloigné de la vérité. Si Blish est aride, alors Asimov est stérile !
Au contraire, ce texte est profondément fertile, le choix des mots, des rythmes comme des atmosphères obéissent à l'instinct, à cet état de nature que l'auteur veille à ne jamais laisser sombrer sous la surface pesante de la science. La hard SF peut en effet très souvent être qualifiée d'aride, plate et sans émotions, ici il n'en est rien. Tous les protagonistes de ces différentes scènes obéissent à une nécessaire survie, qu'y a-t-il de plus viscéral que cela ?

J'ai donc apprécié l'écriture franche et directe de Blish, sans pour autant être dénuée de poésie, d'élégance, de philosophie parfois, d'humanité quoi. Comme souvent dans ce genre-là, il nous faut accepter les apports scientifiques que l'on ne maîtrise pas totalement comme vérités établies ; je crois que l'on peut faire confiance au gonze. Certains points sont d'ailleurs très précis, des modifications subtiles ou plus franches de l'être humain, dûment réfléchies par l'auteur. On ne le prendra pas à défaut, l'ensemble est simplement brillant.

Si la première partie, introduite par la quatrième de couverture, fait davantage office de prologue, la suite est savoureuse d'imagination, d'évolution et d'analogies.
En effet, James Blish imagine ce que pourrait être la vie de l'Homme sur des planètes habitables, sous réserve de certains sacrifices. Réécrire l'ADN humain, toute la structure de l'organisme afin d'implanter des spécimens adaptés à ce nouvel habitat. Voilà qui change des classiques terraformations inconcevables sur la durée. On retourne le problème, donc la solution.
En découlent des lignes évolutives vraiment plaisantes à découvrir, une adaptation impliquant de nouvelles lois, de nouvelles hiérarchies, des cohabitations surprenantes et un sens inné de l'appartenance à l'espèce. Dans ces différentes parties pouvant presque prendre l'allure de nouvelles avec un épicentre commun, l'auteur parvient à instiller des réflexions où se mêlent évolutionnisme et créationnisme, religion et âpreté de la vie sauvage, et même quelques clins-d'oeils à nos bonnes vieilles croyances et/ou savoirs. C'est délicat, presque intuitif, on troque les gros sabots pour un raffinement dans la suggestion. Au lecteur de relier les points, c'est tellement plus malin.
Pour ces humains adaptés, il s'agira de survie, oui, mais en reprenant tout de zéro, et c'est là que l'auteur chamboule vraiment les codes. Peu voire pas de bagage culturel, de savoir ou d'ouverture sur l'univers. Seulement un équipement biologique finement dosé et une vague conscience de cette filiation lointaine, avec des points de vue propres à leurs conditions multiples. Savoureux, dépaysant. Franchement, pour 1957, c'est balaise !

Loin d'égaler L'oeuf du dragon, de Robert Forward, Semailles humaines est un roman innovant qui sait se libérer d'une vision classique et ethnocentrée de l'humanité.

J'aurais peut-être aimé un lien entre ces « colonies » disparates publiées initialement comme des nouvelles, une sorte de fil rouge permettant de suivre l'essaimage. La conclusion est parfaite dans la mesure où elle fixe le principe même d'évolution, à savoir que l'origine s'efface au profit d'allèles plus pertinents. Mouvement constant, flux, sacrifice… jusqu'au retour au berceau commun, soudainement méconnu.
Un vrai travail de fond, une vraie démarche sociologique, ethnologique, anthropologique que Darwin aurait sans doute apprécié.


Lien : https://editionslintemporel...
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