"Il ne faudrait quand même pas prendre
les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages!" lance en douce l' élève Minier, après examen de son cahier d'histoire par l'inspecteur d'Académie.
Cette célèbre expression, signifiant: il ne faudrait pas nous prendre pour des imbéciles, utilisée par le général de Gaule et également par
Michel Audiard (dont le scénario : Faudrait pas prendre
les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages a été adapté en film par Bernard Blier) se révèle appropriée dans
Les enfants du bon Dieu d'
Antoine Blondin.
Pourquoi?
Le héros du livre Sébastien Perrin, trentenaire, est un professeur d'histoire dont la "maison s'élève au carrefour de deux silences" dans les beaux quartiers de Paris, dont la gentille épouse Sophie (à la mère insignifiante et au père trop barbu) peint des chevaux de bois,dont les voisins: aveugle,général ou vicomte sont lourds et fantaisistes et dont la vie monotone va le pousser un jour à se jouer de l'histoire.
"Puisque l'Histoire m'avait détraqué, je détraquerais
L Histoire".
Et le voilà, reprenant soudain vie entre un traité de Westphalie non signé,une guerre de cent ans rallongée,des Lulli,Mansard et
La Fontaine promus ministres de
Louis XIV,quelques rajouts,trucages et autres dérivations qui ne semblent pas inquiéter les élèves outre mesure. Et l'inspecteur?
Le hasard s'en mêlant,ne voilà-t-il pas que Sébastien Perrin retrouve une ancienne maîtresse (la grande brune princesse Albertina d'Arunsberg-Giessen) connue dans son passé de STO en Allemagne.
Et le voilà reparti sur les châpeaux de roues du mensonge et de l'hypocrisie.
A moins que la fin ne nous délivre son secret !!!!
A la fois léger, vu la verve drôle et l'humour décapant de l'auteur qui utilise souvent des expressions au pied de la lettre (ex:"je lui parlerai à visage découvert" et le beau-père se rase la barbe) et grave, vu les expressions touchantes (ex à propos de l'aveugle: "elle entend tout et soupèse le monde au creux de sa main") et la détresse de Perrin face à l'ordre immuable du monde et à
L Histoire à laquelle il ne croit plus;
Les enfants du bon Dieu parle d'imprévu et de hasard, de vie et de bonheur, de fiction et de réalité.
L'ange
Blondin avec son élégance naturelle nous régale de ses canards.
A lire:
Blondin 20 ans déjà ! (de
Jean Cormier et
Symbad de Lassus) paru dernièrement, pour les lecteurs qui comme moi ne connaissaient pas
Antoine Blondin (prix Interallié 1959 pour
Un singe en hiver et prix de littérature de l'Académie française 1979).