Mange, prie, aime. Je ne sais pas pourquoi je pense à ce film pas vu, tiré du roman éponyme pas lu non plus. Une nana décide de tout plaquer pour partir seule à la découverte du monde et d’elle-même. Elle va en Italie manger, en Inde prier et en Indonésie aimer. J’ai passé, dans ma vie d’expatriée, quatre années en Italie. Je veux bien prier en Asie si c’est pour finir avec Javier Bardem sur une feuille de bananier à Bali.
Déménager, c’est un petit deuil.
Je déteste le collectif, ca me rend paranoïaque. J'ai l'impression que tout le monde peut lire sur mon front que je suis une supercherie. J'ai le complexe de l'imposteur. Je suis un Canada Dry.
J'ai tous les attributs de la classe bourgeoise, mais je n'en suis pas issue. Je compte parmi les transfuges. L'expatriation a exacerbé ce sentiment. Stockholm fut la première véritable expérience.. mais je l'ai ressenti bien avant : vouloir en être, comme une revanche, et le redouter, comme un mensonge. La peur d'être démasquée. Du coup, j'anticipe, je corrige le tir. Ma tendance misanthrope fait son lit un peu plus chaque jour.
On attend tous quelque chose. On croit que l’attente est une particularité de l’enfance, puis de l’adolescence, mais non. On attend tout le temps. On est tous les personnages de Hopper. L’attente d’un texto, d’une réponse, de l’arrivée à destination, de la fin du voyage, des invités, que les enfants grandissent, du soleil, de la pluie, d’une grossesse, du premier pas, que ça fasse moins mal, que l’envie de fumer passe, que le désir revienne, que le feu passe au vert, la fin des travaux, la mort, de tomber amoureux, qu’il revienne, d’un geste, d’un regard, d’un rendez-vous, qu’il arrive. Attendre d’être seul, attendre un merci, attendre une lettre, attendre le bon moment, attendre des excuses, attendre de savoir, attendre que sa passe. On attend en mouvement, immobile, rationnellement ou pas. Il y’a beaucoup de façons de vivre l’attente. Beaucoup de façons de la dire aussi: espérer, suspendr, surseoir, s’attarder, moisir, faire la queue, le pied de grue ou le planton, faire tapisserie ou prendre racine.
L'expatriation est un projet qui n'autorise pas le désœuvrement. Le désœuvrement n'est pas permis et encore moins avouable. Le tout n'est pas de réussir, il faut montrer qu'on réussit et en faire une tête de gondole
Cherche femme avec libido pour remplacer épouse en congé lassitude.
Reconnaissance et gratitude assurées.
La façon de communiquer est différente, aucune ruse possible pour déchiffrer un mot de la langue. Nous interprétons en revanche les regards. On nous sourit avec beaucoup de bienveillance. Les Taïwanais nous trouvent tellement beaux avec nos yeux ronds et notre romantisme.
Vivre à l’étranger, c’est gratifiant, ça fait rêver. Celui qui est parti, c’est un peu celui qui a trahi. Faut pas trop se la ramener, on est vite soupçonnés de se vanter. J’avais eu ce sentiment déjà quand j'étais montée travailler à Paris, face à ceux qui n’étaient pas partis. Un expatrié, c’est un équilibriste. Il est difficile de se plaindre, parce que c’est un choix. Un choix fantasmé chez les autres. Certains pensent même qu’on ne paie pas d’impôts. Vivre à l’étranger, c’est surtout s’adapter. S’adapter demande beaucoup d’énergie. Tout le monde sort de sa zone de confort.
À défaut d’un métier, j’ai un statut, celui de conjoint-suiveur. Depuis, je ne sais plus me définir autrement que comme conjointe-suiveuse. Conjoint en écriture inclusive, c’est moins flatteur. Conne jointe.
Expatrié : du grec exo, « en dehors de », et patrida, « le pays ». Wikipédia dit que dans le langage courant, le mot sert généralement à désigner des professionnels hautement qualifiés s’établissant à l’étranger pour des raisons professionnelles. Je pense que ma mère alimente Wikipédia.