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Critique de MaxSco


Au rythme des pensées de Michel Brouwer, journaliste accrédité à l'Elysée et participant à son dernier voyage officiel (VO) - il sait que dans deux mois à peine, il sera débarqué, mis à la porte - on n'a plus besoin de lui -, Gérard Bon nous emmène voir les dessous d'un journalisme muselé ainsi que l'extrémisme de droite des années 60. Michel Brouwer, personnage principal de ce roman, traine son passé de militant comme un boulet.

Ce sont deux voyages, le voyage officiel et le voyage intérieur de cet homme proche de la soixantaine, usé, perpétuellement indigné, terriblement seul qu'est Michel Brouwer. le "fasciste", au sens employé dans sa jeunesse, c'est lui.

Deuxième personnage de cet ouvrage : Jean-Dominique Glock appelé Glock. Brouwer lui voue une haine mortelle qu'il ressasse inlassablement.
Glock, c'est Nicolas Strauss-Kahn et Dominique Sarkozy, plus Sarkozy dans la posture et la parole, plus strauss-kahnien pour le reste.
Les références sont nombreuses et connues de tous. On les repère tout au long de la lecture. Elles font sourire ou non. Non, le plus souvent. Il ne s'agit pas d'un livre comique, bien loin de là mais les personnages sont tragi-comiques, parfois grotesques, souvent caricaturaux. Glock, c'est le Président.

Le style de ce roman n'a rien de remarquable. Journalistique ? Son intéret réside dans les questions que l'on se pose. Ce roman m' a plu dès lors que je l'ai mis au diapason de l'actualité. C'est en effet un roman d'actualité.
Pour Brouwer, Glock témoigne du déclin de la fonction présidentielle. Il est de plus en plus pessimiste.

Le voyage commence en Libye. Brouwer nous rappelle comment fut reçu par Sarkozy le président de l'Etat Libien, Kadhafi, en grande pompe, l'Etat français se pliant à ses caprices humiliants pour Sarkozy. L'intervention en Libye, quid du résultat ? Après la sortie du livre, l'hebdomadaire Marianne a fait paraître un article : Médias : les moutons de Panurge où la pensée uniforme des journalistes est fustigée. L'auteur de l'article compare cet état de fait à la pensée unique des années 90 à ceci-près qu'il s'agissait alors d'une "pensée". L'intervention en Libye est soulevée. 90 % des médias était pour. Or, aujourd'hui, à l'aune des conséquences, aucun débat n'est ouvert.
Bon ouvre ce débat-là.
Brouwer n'a pas de sympathie envers ses jeunes confrères qui se délectent des privilèges dus à leur statut, le fait de prendre l'avion avec un président qui vient parfois leur taper sur l'épaule, à la façon dont ils seront logés... Brouwer avoue qu'il a apprécié en son temps tout cela.
Aujourd'hui, il parle d'un cirque, de la ménagerie personnelle du chef de l'Etat, de sa cour - et en effet, ses affidés, les copains qui lui ont rendu service, sont gratifiés des gros postes de la République, pseudo-république qui est en fait une république bananière, où l'euro n'est qu'une monnaie de singe, où les dirigeants allemands n'ont de cesse de promouvoir leur suprématie au sein de l'UE, UE où beaucoup trop de pays sont entrés dont la Grèce, accusée de tous les maux. Brouwer nous remet en mémoire comment la Grèce fut créée de toutes pièces par les Anglais, les Russes et les Français... Ces propos, nous les entendons de plus en plus, dans certains partis politiques mais aussi au bar du coin...

Le voyage se poursuit en Cote d'Ivoire et au Cameroun là où Brouwer explose. Il sait que Glock n'a que faire de l'Afrique et a fortiori des Peuls. Seul le meut l'aspect mercantile du déplacement.
Au cours de ce dernier déplacement justement, Brouwer va vivre quelque chose de terrible pour lui. Je ne vais pas déflorer le roman. Je dirai seulement que contre toute attente de Brouwer, on peut imaginer que la révolution se fera par internet ! Il y a un passage impressionnant où Glock fait irruption dans un point-presse pendant lequel Brouwer en profite pour lui poser des questions dérangeantes mais o combien pertinentes auxquelles Glock ne peut que répondre en faisant le sourd et en faisant tourner en bourrique Brouwer. Cela ne va pas échapper à tout le monde.
C'est là un moment crucial du roman.

Au cours de ce voyage, on sait que la vie privée de Brouwer est d'une solitude terrible. Il a un chien. Vieux. Une petite amie. Très jeune. Petite amie, Blanche, la seule exceptée Marthe Picard, la grande organisatrice du VO, la femme chargée de l'intendance, de la sécurité des journalistes et aussi de leur surveillance. Pas de temps mort. Pas de temps pendant lequel les journalistes pourraient être amenés à prendre des initiatives...
Exceptées ces deux femmes (Blanche lui annonce la rupture de leur relation et bien que Brouwer l'ait anticipée, il n'en demeure pas moins extrement malheureux), le journaliste a sur les femmes un regard vieux-jeu, qui m'a semblé assez désagréable.
On apprend aussi que Brouwer est malade. Il souffre de la prostate et les conséquences de cette maladie sont genantes à divers titres. Pessimiste comme il est, il craint un cancer. Il a une liaison avec une journaliste de Globe pendant ce VO, une femme assez perdue elle-aussi. Lors d'une relation plus intime : coïtus interruptus : elle lui apprend qu'elle a été la maitresse de Glock ! Remède contre l'amour pour lui (déjà difficile avec ses problèmes de prostate !). Elle devient à ses yeux une moins que rien, pire : une putain ! Ils continueront cependant à se voir et à soigner leurs solitudes réciproques.

Et tout au long du roman, bien sur, revient son enfance, son adolescence et sa prime jeunesse. Brouwer a eu une enfance destructurée (mère partant du domicile familial pour suivre un amant, revenant ensuite, Brouwer vivant chez ses grands-parents... rien de très stable) avec la figure paternelle toute puissante. le père de Brouwer, en effet, a des liens avec l'OAS - qui lui ont fait faire un temps de prison préventive - et son fils le suit dans ses idées-là. Son père voue lui-aussi une haine mortelle à un président, Charles de Gaulle, traitre à ses yeux à cause de l'indépendance de' l'Algérie. Brouwer a beaucoup d'empathie pour les expatriés d'Algérie mais aucune pensée pour les Algériens. Paradoxalement car il reprend les idées de son père, il prétend que c'était pour lui la seule façon de se rebeller.
Toujours est-il qu'il milite au MJR, cotoie avant cela le Gud.... sujets qui portent à réflexion parce que plusieurs hommes politiques actuels ont suivi ce parcours. Journaliste, il a abandonné ses activités de militant mais son passé (qui lui a parfois professionnellement rendu service) lui colle aux basques et il ne s'en remet pas.

Voici un livre qui suscite bien des réflexions et qu'il faut lire attentivement.
Il est bien plus riche qu'il ne semble au premier abord.

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