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Citations sur Les Dames de Gascogne (51)

Soudain, des halètements mêlés à des cris rauques et à des gémissements se firent entendre depuis la chambre voisine. Les amis se regardèrent médusés, avant d’être pris de fous rires. Justine et Augustine étaient interloquées de leur réaction. Leur mère travaillait pour que la famille ait quelque chose à se mettre sous la dent, quoi de plus naturel ? Les bruyants ébats se poursuivirent encore un bon moment, avant de prendre fin. Se rajustant à la hâte, leur logeuse – Rose Laporte – vint à leur rencontre, claironnant d’une voix forte à travers la maisonnée, comme s’il s’agissait d’une grande villa : « Les garçons, je suis toute à vous maintenant ! »
Antoine et Arnaud se présentèrent poliment, désireux de faire bonne impression. Rose s’emporta presque :
« Pas de Madame entre nous ! Nous vivons désormais sous le même toit, et donc vous m’appellerez Rose, comme mon mari et mes deux filles. Et on se tutoie tous chez nous ! »
Le ton énergique n’appelait aucune réplique. Soumise inconditionnellement au diktat de son contremaître dans la manufacture de tabac où elle travaillait, et chez elle à celui de ses clients occasionnels, Rose entendait diriger sa maison comme bon lui semblait, c’était tout ce qui lui restait de dignité.
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Dans le courant du mois de mars 1813, le club des saint-simoniens de Mériadeck se distingua par une action d’éclat. Ses membres décidèrent en effet d’éditer des tracts, et de les déposer dans les boîtes aux lettres des anciens nobles et armateurs négriers bordelais.
Il était ainsi rédigé :
« L’heure est enfin venue de parachever l’œuvre de la Révolution française, en bannissant de la vie publique tous les aristocrates, vestiges de la société féodale.
» Nous ne voulons plus de la guerre incessante entre pays européens, des rois de droit divin et des empereurs. Nous méprisons ces grands bourgeois bordelais qui se sont enrichis en profitant directement ou indirectement de la traite négrière.
» Nous crachons sur tout type de société se réclamant d’une relation de dominants à dominés. Cette hiérarchisation a perdu aujourd’hui toute légitimité.
» Il faut créer un ordre social nouveau. Dans cette société industrielle que nous appelons de nos vœux, le peuple sera enfin réconcilié avec ses dirigeants ! Les membres du C.S.S.M. »

Le tract eut un effet domino. Il sema tout d’abord le trouble et la confusion dans l’atmosphère feutrée des salons des hôtels particuliers bordelais, puis la nouvelle ne tarda pas à se répandre dans toute la ville, telle une traînée de poudre. À la préfecture, à la chambre de commerce, à l’évêché, dans la rue, dans les maisons closes, on ne parlait de rien d’autre. Tous s’interrogeaient, quel que fût leur milieu social : qui avait bien pu le rédiger de la sorte ?
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Martin s’emportait parfois contre le patron de la conserverie lorsqu’il posait son regard sur les mains abîmées de sa femme, sur son dos voûté ou encore sur ses cernes sous les yeux. « Il est né tout habillé, comme on dit chez nous. Il n’a jamais eu à se battre pour avoir de quoi vivre. Ce sont les ouvrières qui se tuent à la tâche pour l’enrichir. Ce n’est pas juste ! » Il était capable de dresser un constat lucide de leur situation et il lui arrivait même d’avoir des velléités de rébellion, mais ses emportements le ramenaient constamment à la perception de son impuissance à peser d’une manière ou d’une autre sur le cours de leur vie.
Accablé, il citait alors d’une voix sourde un autre dicton gascon : « Qui se fait brebis, le loup la mange. »
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Des milliers de fois, son père lui avait dit et redit de ne jamais rentrer au port à contre-courant, et qu’il devait toujours prendre en considération les éléments naturels aggravants tels que la houle, la direction du vent et le coefficient des marées. Même au moment de recevoir l’extrême-onction, le père avait encore trouvé la force de lui murmurer dans un souffle à l’oreille : « Surtout, ne fais jamais demi-tour dans la passe ! C’est le chavirage assuré. » Henriette, excédée de voir son époux risquer chaque jour sa vie, le maudissait de ne pas être agriculteur, un travail de fonctionnaire, selon elle. « Tu sais bien que rien ne peut pousser par chez nous avec ce sol sablonneux ! Et puis, il n’y a pas plus bête qu’un paysan : une goutte de pluie il est noyé, un rayon de soleil il est brûlé », lui répliquait invariablement son mari, citant un proverbe gascon. Quand sa femme insistait encore en lui disant qu’il serait mieux chasseur que pêcheur, là encore il avait une réponse toute faite : « Mieux vaut une sardine sur le pain qu’une perdrix qui vole ! » Comme Martin aimait tous ces proverbes gascons qui lui permettaient de tenir tête à son épouse !
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À La Teste-de-Buch en 1800, si tu étais un garçon, ton destin était tout trouvé : tu serais berger ou sardinier. Si tu étais une fille, tu n’aurais d’autre choix à ta disposition que de travailler dans l’unique conserverie du village. Martin exerçait le métier de sardinier, comme avant lui son arrière-grand-père, son grand-père et son père. À sa connaissance, il y avait toujours eu des sardiniers dans la famille. Il aimait son métier, mais il lui fallait travailler dur pour ramener tout juste de quoi vivre. Henriette travaillait à la conserverie de sardines. Elle y avait travaillé dès l’âge légal de huit ans. Après sa dure journée de labeur, elle avait tout juste encore la force de raconter son déroulement à son mari : « Il faut rester toute la journée debout. Les sardines sont déversées sur les tables. On doit les trier, les vider, les mettre dans de l’huile bouillante qui nous brûle les mains, avant de les ranger serrées dans des boîtes de conserve. Tu dois sans arrêt respirer une odeur qui te donne la nausée. Pour ne pas s’endormir au travail, on passe notre temps à chanter. »
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« Un sauté de truffes est un plat dont la maîtresse de la maison se réserve de faire les honneurs; bref la truffe est le diamant de la cuisine. J’ai cherché la raison de cette préférence ; car il m’a semblé que plusieurs autres substances avaient un droit à cet honneur; et je l’ai trouvée dans la persuasion assez générale où l’on est que la truffe dispose aux plaisirs génésiques. (...) Qui dit truffe, prononce un grand mot qui réveille des souvenirs érotiques et gourmands chez le sexe portant jupes, et des souvenirs gourmands et érotiques chez le sexe portant barbe. Cette duplication honorable vient de ce que cet éminent tubercule passe non seulement pour délicieux au goût; mais encore parce qu’on croit qu’il élève une puissance dont l’exercice
est accompagné des plus doux plaisirs. »
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Pour l’avoué, ce réseau de relations était du pain béni. Il saisit l’occasion pour présenter son fils Bertrand, comme étant appelé un jour à lui succéder. Les vieillards scrutèrent donc attentivement le rejeton, cherchant à le jauger et à évaluer s’il avait la carrure nécessaire pour reprendre un jour la plus grosse étude d’avoué de Paris. Mais estimant après tout que si cela devait arriver un jour, ils seraient à tout le moins pensionnaires permanents d’un établis- sement d’hébergement pour personnes âgées dépen- dantes, ils lui accordèrent un regard bienveillant.
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Au grand dam des invités pressés de commencer à manger et à boire, monsieur Ventru, le procureur général qui portait bien son nom, vint à exprimer le désir de prendre également la parole. Si le procureur était un grand virtuose des réquisitoires, il s’essayait à présent, et cela avec beaucoup moins de brio, à l’exercice du plaidoyer. À l’en croire, si tous les jeunes pratiquaient la chasse assidûment, la criminalité serait réduite à une peau de chagrin !
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Les rues étaient luisantes, il avait dû pleuvoir durant la nuit. Un chasseur averti en aurait aussitôt conclu que marcher dans les labours allait être un exercice exténuant, que la terre semblable à de la glaise allait coller à ses bottes jusque haut sur ses cuissardes, rendant son souffle court, sa démarche lourde et pénible. Il aurait également su que sa femme allait le chapitrer avec véhémence à son retour au bercail. Combien de fois Bertrand avait-il entendu sa mère s’énerver contre son père : « Grand Dieu, qu’ai-je fait pour mériter cela ? À croire qu’il s’est vautré dans la fange avec les cochons, le bougre ! »
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Antoine avait travaillé d’arrache-pied pour obtenir son diplôme en droit, l’habilitant désormais à procéder lui- même à ce qu’il affectionnait le plus dans la profession, les constats d’adultère. Avoir un amant était en effet le privilège des femmes de la haute bourgeoisie, lesquelles avaient des dessous raffinés et affriolants dont il n’avait pas même soupçonné l’existence. Il ne lui déplaisait pas de se présenter à six heures du matin, pour surprendre les amants en flagrant délit d’adultère. Il prenait un malin plaisir à tout noter dans les moindres détails : les bas blancs en soie de la belle et la culotte-pantalon fendue, laissés à même le sol dans la fébrilité d’accomplir l’acte de chair, le corset et le jupon en crinoline posés négligemment sur le rebord d’une chaise, la robe à gigot alors très en vogue pendant du guéridon, de même que la coiffe ornée de dentelles sur la table de chevet attenante au lit. Les grandes bourgeoises, prises en faute, s’évertuaient à cacher avec maladresse de leurs mains fines et délicates, leur poitrine opulente encore palpitante du feu des ébats amoureux, tout en minaudant et en cherchant à minimiser la gravité de l’adultère commis. Selon elles, il ne s’agissait en tout état de cause que d’une simple passade sans lendemain et donc excusable, et non d’une relation intime s’inscrivant dans la durée. Quant aux hommes surpris dans le plus simple appareil, ils perdaient tous sans exception de leur superbe, quelle que fût par ailleurs leur position sociale, et en se reculottant dans la précipitation, omettaient le plus souvent de reboutonner leur braguette de pantalon. Sadique, le premier clerc ne manquait jamais de le leur faire remarquer.
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