Vous subissez une triple contradiction : vous souhaitez rester invisible, mais désirez gagner de l’argent grâce à votre art, tout en considérant qu’il est dénué de valeur marchande. Le dire serait un aveu d’impuissance, une manière d’exhiber sans pudeur la piètre estime dans laquelle vous tenez vos oeuvres, mais vous le pensez si fort que cela se lit dans vos yeux.
Et puis, peut-être qu’il n’y a pas de visage, mais seulement des cartes en relief dont on suit les lignes, les cavités, les trous noirs, et qui rappellent un paysage, une montagne, une plage, un chemin. Ce n’est pas la matière qui importe, cette viande à orifices, mais ce qu’elle devient dans les yeux des autres.
Tu te crois seule, ma fille, à ne pas toujours sourire ? Viens, viens avec moi dans la rue, tu verras. Les autres, ils ne sont pas moins tristes. Chacun porte le drame de sa vie et, souvent, le dissimule d’un masque. C’est pourquoi certaines rencontres sont des malentendus, et ce qui les fait tenir, c’est la curiosité.
Personne n’atteindra jamais le coeur de sa souffrance. La douleur est un continent de solitude. Ce qui est désormais inamovible et inséparable de son être demeurera en dehors de tout entendement.
Personne n'atteindra jamais le coeur de sa souffrance. La douleur est un continent de solitude.
Non sans une pointe d’ironie, Sergi, fils de modestes immigrés andalous que la misère avait arrachés à leur Séville natale à l’aube des années 90 pour les replanter dans une loge de concierge de la place Dupleix (XVe arrondissement de Paris), accusa Paul, l’heureux héritier d’une grande famille tourangelle, de profiter de ses privilèges comme le pire des aristos. Paul rétorqua que la ‘grande famille’, c’était un peu exagéré, et rectifia : il s’agissait plutôt de spécimens de fin de race passablement dégénérés dont la Touraine était farcie ; on n’échappe pas à ses origines. Et, coupant court, comme il connaissait le goût immodéré de son beau-frère pour le café, il proposa un expresso et disparut sans attendre de réponse.
Le feu a interdit à la chair de se reconstituer. Peut-on s’habituer à ce fascinant spectacle ?
Le moi, c’est la prison du nombril. Ça empêche de construire son individualité. Ça pétrifie, ça désocialise.
La douleur est un continent de solitude.
–Paulo, soyons réalistes : le public de la peinture, c’est le bourgeois. Des hommes ou des cailloux, pour lui, c’est kif-kif ! Il vient dans la galerie parisienne, il mate cinq minutes, il achète un tableau de cailloux, il fout ça dans son salon pour le montrer à ses invités charmants, et après, ils bouffent comme des cochons. Voilà. Fin de l’intérêt de la bourgeoisie pour l’art. Le prolo, lui, il sait même pas que ça existe, il est trop préoccupé par sa survie.