Quand une légende inuite s'immisce en pays breton, c'est la naissance d'une histoire dans laquelle les frontières entre rêve, réalité, mythe et fantasme se désagrègent petit à petit au fil des 24 jours racontés par le Narrateur de «
L'amant fantasmatique » dans son journal très intime.
C'est une lecture surprenante que ce court roman de
Guy Bordin.
Tout commence dans cette petite maison isolée sur la lande bretonne dans laquelle se sont retrouvés le Narrateur et son cousin pour travailler. Autant le dire tout de suite, le Narrateur semble très vite s'intéresser davantage aux courbes harmonieuses de son cousin, Jean, dont il est secrètement épris, qu'aux fiches de synthèses d'étude qu'il est
censé rédiger. le Jean, avant d'aller sous la douche, offre sans pudeur sa nudité au regard de son cousin dont le coeur, et le caleçon, s'enflamment d'un désir qu'il part chaque soir soulager dans la forêt voisine en arrosant de sa semence toute frustrée les mandragores qu'il photographie avec obsession.
Tout s'emballe lorsque le cousin Jean évoque une légende inuite selon laquelle chaque amant aurait la capacité de projeter une sorte de double idéal de l'être aimé, fantasmé, trouble équivalent de nos incubes et succubes occidentaux, ces démons séducteurs qui abusent de vous durant votre sommeil et vos rêves. À partir de là, l'esprit
du narrateur s'emballe et petit à petit, la réalité du Narrateur se trouve rongée par son fantasme. Entre ses rêves, dans lesquels la mort et le sexe s'entremêlent, et les « apparitions » de Jean dans la forêt, le Narrateur ne sait plus où donner ni de la tête ni du reste, car il faut dire que si son esprit est tout épris de Jean, son corps lui profite de la
moindre occasion. Ça se rencontre, ça s'agite et ça jute dans les bosquets de cette forêt bretonne !
Et ce n'est pas tout. Non content des divagations sexuelles de son héros, Bordin ajoute une intrigue policière en faisant disparaître un chef scout non loin de la petite maison où se déroule l'action. Dès lors, une partie du récit prend une allure de polar que viendra bientôt renforcée la folie sombre dans laquelle plonge lentement le héros.
Jusqu'à une fin que, pour ma part, j'ai beaucoup aimé.
Le pari d'élaborer un roman fantastico-érotico-policier est risqué mais il est plutôt réussi. L'intrigue est bien ficelée,
la tension érotique est là, piochant dans le tiroir des stéréotypes homoérotiques quelques spécimens qui font leur petit effet, l'écriture est travaillée avec cette forme particulière du journal qui nous oblige à plonger avec le narrateur dans cette perte de repères progressive qui fait que nous aussi on ne sait plus très bien faire la part entre
ce qui relève de la réalité et ce qui appartient au fantasme. «
L'amant fantasmatique » est un premier roman original, bien fait, qui sans être un grand coup de coeur, est une bonne surprise qui se lit avec plaisir et avidité.