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Critique de HundredDreams


L'immense talent de l'auteur argentin Jorge Luis Borges n'est plus à démontrer. Il s'impose comme un des auteurs les plus inventifs du 20ème siècle.
Mais lire Borges, c'est relever un défi auquel je ne m'attendais pas vraiment. En effet, Borges est un auteur souvent cité en épigraphe, je l'ai donc abordé sans aucun à priori, avec, je dirais même, le regard plutôt curieux d'un lecteur qui souhaite découvrir son univers.
Ces textes au style dense, sont à la frontière de plusieurs genres, mariant la poésie, la nouvelle, le conte magique, le récit mythologique, la fiction policière, l'essai, mais d'autres images me viennent à l'esprit pour définir ces récits : on est tour à tour dans des histoires gigognes, des histoires de labyrinthes, ou des histoires cycliques.

Alors, voilà, je me sens un peu confuse au moment d'écrire ce billet.
Si certaines nouvelles m'ont paru très accessibles, d'une beauté et d'une profondeur insondables, je me suis souvent perdue dans un univers trop complexe, trop obscur. Certaines portes me sont restées fermées, malgré plusieurs lectures. Etant peu familière de la littérature philosophique, métaphysique, j'ai trouvé ces histoires souvent étrangement insaisissables, fuyantes, évanescentes et pourtant, parfois, traversées de beauté, de fulgurances, d'évidence.
Dans mes lectures, je recherche les émotions et j'ai souvent trouvé l'écriture de Borges assez froide, même si j'ai parfois senti derrière ses propos, de l'humour, de l'ironie, des références à sa vie comme un jeu de miroirs qui nous renverraient son reflet.

« Aveugle pour les fautes, le destin peut être implacable pour les moindres distractions. »

L'auteur n'est nullement en cause dans mon ressenti qui oscille et vacille, j'en suis uniquement la cause. C'est pour cette raison que je ne noterai pas ce livre pour l'instant. C'est une oeuvre multiple et déroutante sur laquelle je reviendrai plus tard et dans laquelle je plongerai à nouveau pour percer ses mystères. Et peut-être qu'à ce moment-là, je rédigerai un nouveau billet accompagné d'une note qui sera plus juste au regard du talent de l'auteur.

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Dans ce recueil de dix-sept nouvelles, la plupart d'entre elles sont fantastiques, ou dans un esprit de réalisme magique dont je suis friande. L'auteur aime entretenir la confusion entre le réel et l'irréel, la réalité et le rêve, le possible et l'impossible, le vrai et le faux, le visible et l'invisible, un monde fini et infini. Mes pensées ont voyagé très loin, dans le temps et l'espace, dans le monde des livres, dans l'univers.

Quand je me remémore les dix-sept nouvelles qui composent « Fictions », des mots me viennent spontanément à l'esprit : labyrinthes, miroirs, vertige, bibliothèques, encyclopédies, rêves, mémoire, oubli, philosophie, religion, temps, espace, énigme, cercle.
Je leur ai trouvé un côté sombre, parfois angoissant, souvent vertigineux. Certaines s'emmêlent et s'entrelacent, comme si elles résonnaient entre elles et trouvaient un écho, comme si une multitude de miroirs prolongeait le dédale de notre esprit et du monde.

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Parmi les nouvelles que je retiendrai, ma préférée est « Les Ruines Circulaires ».
Un étranger se fraie un chemin dans les ruines d'un ancien temple. Là, chaque nuit, il rêve d'un homme et l'imagine dans les moindres détails jusqu'à ce qu'il devienne réel.
Ce récit m'a rappelé Prométhée ou Frankenstein. La fin du conte, totalement inattendue, montre l'homme dans toute sa fragilité, mais aussi dans la puissance de son pouvoir créatif. Une fin qui n'a pas de fin, qui se veut comme un cercle, sans commencement, sans issue, comme une histoire qui se répète à l'infini.

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Celle que je retiens également est "Le miracle secret", l'histoire de Jaromir Hladik, un poète juif condamné à mort par les nazis. Face au peloton d'exécution, l'homme tente de figer le temps en imaginant tous les scénarios possibles pour empêcher son exécution. Ainsi, il obtient une année pour écrire mentalement le dernier acte du livre sur lequel il travaille.
J'ai aimé la façon dont Borges parvient à maîtriser le temps, rendant sa durée relative et subjective.
Tout semble s'achever en un instant et durer infiniment.

« Il croyait à des séries infinies de temps, à un réseau croissant et vertigineux de temps divergents, convergents et parallèles. » - le jardin aux sentiers qui bifurquent -

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J'ai également aimé " La loterie de Babylone », qui propose une réflexion sur la chance et la part de hasard dans les évènements de la vie.
Dans la ville de Babylone, une loterie se transforme en un jeu de hasard qui gouverne et contrôle peu à peu le destin des hommes. le hasard détermine alors la vie des hommes avec ses récompenses et ses punitions comme une main invisible qui jouerait avec notre destin. Pile ou face ?

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« La bibliothèque de Babel », la plus connue, est une magnifique métaphore de la littérature avec la présentation d'un univers sous la forme d'une bibliothèque infinie aux galeries hexagonales qui, en contenant tous les livres possibles, passés, présents, futurs, renferme les secrets de l'univers, le destin des hommes, et questionne sur le sens de la vie.

« Dans ce conte, et je l'espère dans tous mes contes, il y a une partie intellectuelle et une autre partie — plus importante, je pense —, le sentiment de la solitude, de l'angoisse, de l'inutilité, du caractère mystérieux de l'univers, du temps, ce qui est plus important : de nous-mêmes, je dirai : de moi-même. »

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Et puis, dans ce livre-univers, il y a des phrases qui questionnent et font réfléchir sur des thèmes récurrents dans l'oeuvre de Jorge Luis Borges, celui de l'identité.

« … les miroirs et la copulation étaient abominables, parce qu'ils multipliaient le nombre des hommes. »

J'ai perçu la beauté et la justesse de l'écriture, l'inventivité, l'originalité, la profondeur, l'ironie perçante, l'espièglerie, mais j'ai aussi eu le sentiment d'avoir seulement effleuré toutes les pensées de l'auteur.

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Pour conclure, un ressenti est très subjectif. Ce livre avait tous les ingrédients pour me séduire, mais malheureusement, j'ai l'impression d'être passée à coté de certains textes par manque de références littéraires et philosophiques. Ne possédant pas certaines clés de compréhension, je me suis sentie souvent bien ignorante face à l'érudition de Borges.
Même les histoires les plus faciles recèlent plusieurs niveaux d'interprétation.

Ce recueil de nouvelles est sûrement unique, en tous les cas, il a été pour moi une expérience plutôt déconcertante et inattendue. Je ne m'avoue pas vaincue. Je relirai ce livre ou je commencerai par des livres plus abordables avant d'y revenir.

« Ce qui importe, ce n'est pas de lire mais de relire. »
Le livre de sable

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Merci aux 11 membres de l'équipe, Paul, Nicola, Doriane, Elea, Chrystèle, Patrick, Marie-Caroline, Jean-Michel, Anhj, Bouffanges et Bernard, pour cette belle lecture commune, riche en échanges qui ont souvent permis d'éclairer les nombreuses zones d'ombre et d'ouvrir vers de nombreuses interprétations.
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