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Nestor Ibarra (Préfacier, etc.)Paul Verdevoye (Traducteur)
EAN : 9782070366149
185 pages
Gallimard (25/10/1974)
4.06/5   1458 notes
Résumé :
Se reúnen en FICCIONES dos libros de Jorge Luis Borges fechados en 1941 y 1944. " El jardín de senderos que se bifurcan" incluye ocho relatos, entre los que cabe destacar dos reves narraciones de excepcional calidad: "Pierre Menard, autor del Quijote" y "La Biblioteca de Babel". "Artificios" lo forman nueve cuentos, entre ellos "La muerte y la brújula" (historia de una tortuosa venganza), "Funes el memorioso" (una larga metáfora del insomnio) y "El Sur" ("acaso mi m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (111) Voir plus Ajouter une critique
4,06

sur 1458 notes
Je suis assez perplexe quant à ce que je pense de ce recueil de nouvelles. Mon impression est très mitigée : au coeur, des idées philosophiques captivantes, mais autour, du bla-bla parfois soporifique.
Tout d'abord, les points qui me sont apparus plutôt négatifs : des nouvelles tantôt bizarres, tantôt ésotériques, tantôt limpides, tantôt policières, bref une sorte de fatras hétérogène. Ensuite, j'ai été assez déçue par le style dont la lecture ne m'a procuré aucun plaisir purement littéraire (certes j'ai lu une traduction, mais tout de même), au sens de la jubilation d'une formule ou de la beauté du verbe. En effet, les nouvelles ne couvrent, bien souvent, que quelques pages et pourtant, Jorge Luis Borges trouve parfois le moyen d'être barbant, verbeux ou pédant, voire, les trois à la fois. Pour étayer mes dires, je vais donner un exemple de ce que j'avance à l'aide d'un court extrait de deux phrases, pris au hasard (j'aurais pu en choisir bien d'autres) :

"En Asie mineure ou à Alexandrie, au second siècle de notre foi, quand Basilide proclamait que le cosmos était une improvisation téméraire ou mal intentionnée d'anges déficients, Nils Runeberg aurait dirigé avec une singulière passion intellectuelle un des petits couvents gnostiques. Dante lui aurait destiné, peut-être, un sépulcre de feu; son nom grossirait les catalogues des hérésiarques mineurs, entre Satornile et Carpocrate; quelque fragment de ses prédications, agrémenté d'injures, resterait dans l'apocryphe Liber adversus omnes haeres ou aurait péri quand l'incendie d'une bibliothèque monastique dévora le dernier exemplaire du Syntagma."

Je ne sais pas si je vous ai convaincu, mais pour moi, ces phrases aussi facile à hâler que des trente-huit tonnes furent un ressenti très dommageable car j'aurais aimé me pencher avec plus de plaisir et d'entrain sur ce qui constitue le fond des nouvelles, à savoir, des réflexions philosophiques ou des amorces d'essai de très grand intérêt.
Ainsi, le recueil est organisé en deux ensembles intitulés "Le jardin aux sentiers qui bifurquent" et "Artifices" et compte 17 nouvelles. de mon point de vue, certaines nouvelles sortent vraiment du lot et ont su impressionner mon esprit de manière positive, non pas par le plaisir qu'elles procurent à la lecture, mais par ce qu'elles impriment de durable chez le lecteur. N'oublions pas que notre cerveau a tendance à ne retenir que les meilleures parts d'un souvenir composite.
Dans "Pierre Ménard, auteur du Quichotte", Borges aborde avec humour et ironie le cas des écrivains qui se font des noeuds au cerveau et qui essaient, par des processus alambiqués de réinventer la poudre coûte que coûte. Cette réflexion pourrait être élargie à bien d'autres corps de métiers qui comptent en leurs rangs de pleines bordées de magnifiques phraseurs, qui se révèlent être d'authentiques branleurs de mouches dès qu'on creuse un peu dans leur spécialité.
"La bibliothèque de Babel" est plus symboliste et plus complexe. L'auteur se penche sur plusieurs notions imbriquées. D'une part notre position de maillon anonyme dans une chaîne sans fin, au sein de laquelle nous puisons nos influences (chaînons antérieurs) et dans laquelle nous injectons la nôtre aux chaînons à venir. De la sorte, il évoque le fait que tout peut faire sens, pas nécessairement consciemment, ni partout, ni tout le temps, mais que rien n'est à négliger. D'autre part, il milite, ce qui n'est pas si fréquent, dans le sens de minimiser l'impact des grandes catastrophes culturelles que sont les autodafés, où les pertes sont souvent, après coup, élevées au rang des merveilles du monde englouties. Il raisonne de par leur nombre (faible par rapport à ce qui reste) et de par leur genèse (les oeuvres détruites ont bénéficié des mêmes influences que celles qui demeurent) et de par leur position dans la chaîne, à savoir que même si elles ont aujourd'hui disparu, elles (les oeuvres) ont tout de même exercé leur influence sur d'autres oeuvres, qui elles continuent d'exister et d'apporter leur richesse au reste de l'édifice. On peut lire encore bien d'autres considérations dans cette nouvelle (la ruche avec ses hexagones, l'aspect visionnaire de Borges quand il décrit avant l'heure l'analogie entre la somme d'écrits apparemment inutiles d'une bibliothèque et notre ADN non codant pouvant s'exprimer un jour ou l'autre, etc.) mais qu'il serait long de développer ici.
"La loterie de Babylone" est probablement celle qui m'a le plus intéressée. Jorge Luis Borges, avec un sens mathématique indéniable (comme dans plusieurs autres nouvelles), bâtit une sorte de modèle humain théorique et probabiliste qu'il laisse tourner pour en chercher le développement ultime. Ainsi, en introduisant dans son modèle une variable a priori anodine, il en vient à donner une forme d'explication théorique à la mainmise du pouvoir et de l'économie, aux rapports de force sociaux, et en somme, à comment une société quelle qu'elle soit s'auto-organise en combinant hasard et nécessité. le plus stupéfiant, c'est que l'auteur, avec sa façon de nous présenter les choses nous invite fatalement à comparer l'organisation sociale réelle à sa petite machinerie théorique et à y trouver force points communs.
"Le jardin aux sentiers qui bifurquent", de part son personnage principal asiatique, mais surtout par son tour particulier, sa lenteur étudiée m'a rappelé de grands écrivains esthètes extrême-orientaux comme Kawabata.
Enfin, il n'est probablement pas inutile de mentionner que les nouvelles "La bibliothèque de Babel" et "Le miracle secret" inspirèrent à Umberto Eco son fameux roman le Nom de la rose (peut-être bien aussi le nom d'un site internet que vous fréquentez régulièrement...).
Voilà, à vous de voir maintenant, je vous ai livré la mienne, à vous de conFICTIONner votre propre conFICTION sur cette oeuvre.
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Le temps a fait son oeuvre!
J'avais lu Fictions quand j'étais étudiante et il faut bien le dire, j'étais bien passée à côté. Je reconnaissais, en partie aux dires de ma prof, qu'il s'agissait d'un auteur important, mais je n'étais pas arrivée à rentrer dans les nouvelles de Borges, les jugeant trop érudites et obscures.

Plus ou moins 20 ans plus tard, je reprends enfin le livre, plein d'annotations de l'époque; j'ai trouvé la bonne focale du premier coup, la bonne distance pour apprécier l'humour qui se cache derrière cette érudition feinte et bref, j'ai adoré! Est-ce la maturité? le sérieux mis à mal par un gain d'expérience? Dans mon cas, sans doute!

Le recueil fait en tout et pour tout 180 pages, c'est peu et pourtant, il m'a fallu un mois pour le finir. Pour apprécier chaque nouvelle, pour ne pas en commencer une autre les yeux hagards, sans saisir le contexte de ce nouveau récit qui succède celui qui m'a été révélé juste avant.
Maintenant que j'ai fini, je tiens à dire que j'ai été soufflée par l'univers que chaque nouvelle (trois pages en moyenne) faisait naître en quelques mots: le passé, le présent et le futur, le monde, l'espace, l'infini, la vie et la mort, l'éternité toute cela apparaît dans une mise en abyme vertigineuse.
Borges est fasciné par le thème du labyrinthe parfait qui engloberait le Tout dans une sorte de répétition à l'infini, dans une infinité de variantes. Tout cela laisse le lecteur abasourdi et comme immobile dans l'oeil du cyclone, attendant la chute ultime.
Mais Fictions est aussi empreint d'une forte poésie mélancolique qui rend chaque nouvelle intemporelle. Après cette relecture, je comprends enfin pourquoi Borges est cité parmi les auteurs les plus importants du XXième siècle car comme Proust, mais une dizaine de milliers de pages en moins, il parvient à immobiliser le Temps dans ses mots.
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C'est avec ce petit livre que j'ai fait ma première rencontre avec Borges. J'ai commencé par son livre le plus connu (classé parmi les 100 meilleurs livres de tous les temps).

J'y ai trouvé tout l'art de l'écrivain argentin. Sa ruse littéraire en essayant de se faire passer pour un simple novice de la littérature et de nous décrire comme réel, un imaginaire; son savoir encyclopédique qui nous donne l'impression que Borges a tout lu, son imagination féconde nourrie de ses lectures abondantes de tout ce qui lui tombe entre les mains (Littérature occidentale, orientale ...), ses métaphores et son symbolisme ouverts à toutes les interprétations, sa manière originale à nous pousser à réfléchir, à imaginer, à examiner, à chercher pour découvrir, à nous ouvrir de nouvelles voies.

J'y ai trouvé également, l'homme labyrinthique qu'est Borges, qui mène le lecteur là où il n'aurait jamais pu entrer! Pour lire ce tout petit livre, il faut une référence riche, il faut s'adapter au style de Borges, à toutes ces informations historiques (plutôt mythologique), scientifiques (mathématiques). En plus, Borges est l'homme au miroir, un monde a son double. Et cela à l'infini; le monde bibliothèque, l'homme et son double rêvé, le réel et l'imaginaire, le destin et le hasard...Borges est aussi l'homme bibliothèque, son livre est un mélange savant de tous les écrits universels mais aussi des encyclopédies qu'il a consultées.

Les pièces (car on ne peut les nommer ou classer) que regroupe ce recueil sont variées et originales (au niveau de la forme et du fond). Borges qui prône la relecture, nous présente une oeuvre à relire à l'infini. Car ces pièces sont comme du verre pulvérisé qui montre à chaque fois un reflet différent; des perles chatoyantes.
Si Kafka a voulu (entre autre) représenter le monde en le transformant en rêve (ou cauchemar), Borges a voulu recréer le monde qu'il ne verra plus, à cause de sa cécité.

J'ai beaucoup aimé les "histoires" de cet homme dormant pour rêver quelqu'un qui est lui-même rêvé par un autre, de cet auteur de Don Quichotte et le changement du lecteur, de ce monde bizarre d'Uqbar, de cette bibliothèque universelle, de ce condamné à mort qui pense à toutes les possibilités qui peuvent lui arriver lors de son exécution (chose que moi aussi je fais), de cet écrivain fictif à l'oeuvre fictive qui est décrit comme réel à l'oeuvre singulière, et de cette recherche d'Almotasim...

Une fois lu, je me suis dit: je lirai Borges toujours, je n'étais plus le même; de nouveaux horizons étaient ouverts!
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Je me souviens du soir où je suis entré dans cette librairie de seconde main à la recherche de Fictions, de Jorge Luis Borges.
Le libraire m'a proposé cette version de la Pléiade ou figurait le titre tant recherché. C'est vraiment une très bonne occasion, m'a-t-il dit, je vous le fais à 40 Euros. J'ai ouvert l'exemplaire, fasciné. Regardez, a-t-il ajouté, ici l'ancien propriétaire a souligné des paragraphes au crayon gris qu'il a jugé importants. Cela vous guidera dans une lecture qui n'est pas facile. Il regagna son comptoir, tandis qu'un autre client que je n'avais pas encore remarqué dans la boutique s'approcha de moi. Silhouette sombre, austère, presque inquiétante... Seul détail particulier qui contrastait avec la pénombre du soir, il portait une cravate d'un jaune criant. C'est ainsi qu'il m'est apparu me dominant de toute sa personne... Il a raison, a-t-il confié, cette lecture sera exigeante. Mais je vous encourage à ne rien lâcher, soyez patient et persévérant. Ce livre est essentiel dans la littérature universelle, vous avez une chance inouïe. Mes yeux ébahis ont vagabondé du livre à cet homme. Il a tenté de me rassurer en sortant de la poche intérieure de son imperméable une carte de visite. Tenez, je suis à votre disposition, n'hésitez pas à m'appeler si ce texte vous résiste ou si vous souhaitez prolonger cet échange, ce sera avec plaisir. L'homme esquissa un sourire discret, un peu froid et crispé. Tandis que je scrutais la carte de visite, je ne m'aperçus pas qu'il avait déjà disparu du décor.
Le libraire était en train de fermer la boutique et m'incita à rejoindre le comptoir pour régler mon achat.
Plus tard, chez moi, j'ai regardé de près la carte de visite où figurait un numéro de téléphone sous un seul nom énigmatique : Monsieur Cervantès.
J'ai appelé mon amie, ma meilleure amie, celle que je surnommais affectueusement Jimmie Criquette, car elle était ma bonne conscience. Je lui ai dit que j'avais trouvé enfin le fameux livre tant convoité. Elle m'a juste dit : Prends soin de toi, Berni.
Dès le soir même, habité par un désir effréné, j'entrai dans la lecture de la première nouvelle, - Tlön, Uqar, Orbis Tertius, avec un sentiment de jubilation. Auparavant, mes doigts venaient de balayer rapidement les pages du recueil comme un survol rapide, une reconnaissance du territoire avant de m'y engouffrer. Ces paragraphes soulignés, entourés au crayon gris, devant lesquels figurait un petit signe dans la marge, - ici un triangle ou un rond, là un petit carré, n'en finissaient pas de m'intriguer... Malgré mon enthousiasme, le texte me résista totalement.
Plusieurs jours s'écoulèrent. Je passais des nuits blanches à lire, relire certains des premiers récits, sortes de faux comptes-rendus sur de faux livres qui me demeuraient totalement hermétiques, puis à découvrir d'autres nouvelles plus faciles d'accès, je découvrais leurs méandres, leurs chemins qui bifurquaient dans les pages et dans mon esprit, leurs apparences de fragments bizarres, de fractales vertigineuses où je me perdais, où je m'épuisais à toute force. J'avais l'impression que le texte servait de métaphores à quelque chose qui m'échappait totalement.
Jimmie Criquette m'avait donné rendez-vous au bar le miracle secret, un endroit sympa où nous aimions nous retrouver. Tu as l'air épuisé, m'a-t-elle dit, tu es sûr que cette lecture te convient ? Oui, je veux comprendre, ai-je répondu. Tu as l'air d'avoir maigri, remarque cela te va bien. Il est vrai que ce n'est pas une lecture facile, ai-je fini par avouer. En plus, il n'y a aucun personnage féminin. Elle a pris un ton ironique. Alors là mon pauvre, tu dois souffrir le martyr. Tu vas y laisser ta santé. Puis elle a ajouté d'un air dépité : Et notre amitié aussi. On ne se voit plus... Je veux comprendre ce que veut me dire ce livre, ai-je répondu. Tu connais le droit de ne pas finir un livre ? a-t-elle dit. C'est Daniel Pennac qui le dit. Oui et il dit aussi : le droit de relire, ai-je rétorqué. Enfin, j'ai ajouté comme argument ultime : tu comprends, je suis engagé dans une lecture commune avec d'autres lecteurs de Babelio, je ne peux pas abandonner...
J'ai alors appelé le soir-même Monsieur Cervantès. Il m'a invité à le rejoindre aussitôt chez lui, m'a donné le code d'accès du digicode pour entrer dans l'immeuble : dhcmrlchtdj. Il portait encore cette étrange cravate jaune. Il m'a fait entrer dans son appartement où il y avait si peu de lumière, m'invitant à m'asseoir dans le salon où il était en train de jouer une partie d'échecs, seul. Dans les échecs, il y a une infinité de combinaisons, m'a-t-il confié. le hasard tient à si peu de choses entre nos pauvres mains... C'est un peu comme les destins des personnages de ce livre qui se fracassent contre un temps insaisissable. Mais, au fait, parlons un peu de ce livre justement, qu'en avez-vous ressenti ?
Il m'a laissé parler, délivrer mes premières impressions. Je l'ai senti tout de suite agacé, comme vexé presque. Vous vous attendiez à quoi ? À découvrir une bonne histoire, une de plus, vite lue, vite oubliée ? Vous savez, le plaisir de lecture ne tient pas toujours à cette joie de se raconter une bonne histoire, ni celui du plaisir littéraire de la phrase ciselée qui sonne bien à l'oreille... Mais, c'est peut-être le vertige qui compte le plus, comment il est créé et comment il nous parvient. Vous avez une approche trop cérébrale de Borges et de ce livre, Fictions. Tant que vous n'aurez pas rencontré, connu, éprouvé ce vertige de manière physique, il vous sera difficile voire impossible d'entrer dans ce livre et de l'aimer.
Il s'est levé, s'est approché de moi, essayant d'esquisser un sourire, avant de me raccompagner jusqu'à la porte de son appartement. Souhaiteriez-vous vivre une expérience à la manière de Borges ? Je vous en offre une dès demain, qui pourrait être inouïe, peut-être inoubliable pour vous. Nous l'appellerons : vertige. Munissez-vous de votre exemplaire de la Pléiade et retrouvons-nous demain matin dès 8h devant la porte de mon domicile. »
Le lendemain matin, nous avons roulé à bord de sa Bentley vers l'océan, la pointe Saint-Mathieu. Nous nous sommes approchés de la falaise, au pied de l'ancienne abbaye en ruine. Il m'a demandé de me tenir dos à la mer, d'ouvrir le livre sur la première nouvelle, celle qui s'intitulait Tlön, Ubqar, Orbis Tertius et de lire à haute voix au hasard, peut-être un des multiples paragraphes que le précédent propriétaire de l'exemplaire avait entouré au crayon gris. Alors je me suis mis à lire.
« Une des écoles de Tlön en arrive à nier le temps ; elle raisonne ainsi : le présent est indéfini, le futur n'a de réalité qu'en tant qu'espoir présent, le passé n'a de réalité qu'en tant que souvenir présent. »
« Haussez votre voix je vous prie, elle doit couvrir le bruit de la mer », a-t-il dit en avançant vers moi, son bras tendu vers mon torse, sa main me poussant à reculer.
« Une autre école déclare que tout le temps est déjà révolu et que notre vie est à peine le souvenir ou le reflet crépusculaire, et sans doute faussé et mutilé, d'un processus irrécupérable. »
Plus fort, je ne vous entends pas. J'ai continué de reculer devant ses pas intimidants. J'ai élevé un peu plus la voix. le vent balayait les pages du livre que j'avais du mal à tenir, tandis qu'au loin, au-dessus de l'abbaye, le cri inconsolable des oiseaux déchirait le ciel.
« Une autre, que l'histoire de l'univers – et dans celle-ci nos vies et le plus ténu détail de nos vies – est le texte que produit un dieu subalterne pour s'entendre avec un démon. »
Il s'est approché encore plus près de moi, menaçant, faisant ce geste pressant, m'invitant à la fois à élever la voix et à continuer de reculer. J'entendais derrière moi le bruit oppressant de la mer.
« Une autre, que l'univers est comparable à ces cryptographies dans lesquelles tous les symboles n'ont pas la même valeur et que seul est vrai ce qui arrive toutes les trois cents nuits. »
Mon pied a trébuché sur des cailloux glissants. Mes yeux ont alors rencontré le vide en bas, comme un gouffre abyssal et mon esprit s'est mis à tourner, à vriller en proie au vertige. J'avais l'impression d'être James Stewart dans Vertigo. Il m'a retenu au dernier moment en agrippant ses immenses bras sur mes épaules, juste avant que mes pas ne finissent par céder pour de bon. Je me suis retrouvé littéralement englouti dans ses bras, je lui en étais infiniment reconnaissant, même si j'aurais préféré être serré dans ceux de Kim Novak, enfin celle de la période où elle tourna le film d'Hitchcock... Il fallait bien que je compense par mon imaginaire l'absence de personnages féminins dans ce livre. Alors il a simplement répondu, scellant la fin du paragraphe qu'il semblait connaître par coeur : « Une autre, que pendant que nous dormons ici, nous sommes éveillés ailleurs et qu'ainsi chaque homme est deux hommes. »
Demain soir, je vous entraîne vers une deuxième expérience de lecture de Borges. Nous l'appellerons cette fois : immersion. Deuxième ? Il avait dit deuxième. Pas seconde. Je décidai de ne pas téléphoner à Jimmy Criquette même si l'envie m'en démangeait.
Le lendemain, c'était donc le soir, les rues de la ville étaient bondées à cette heure-là. Il m'a invité à le suivre dans les méandres d'un quartier perdu. Il avait un trousseau de clef qu'il a brandi sous mes yeux. Les clefs ! Les clefs ! C'est bien cela que vous recherchez dans cette lecture ? Visiblement il se moquait de moi de manière délectable.
Cela vous tenterait-t-il de visiter une bibliothèque ? Pas n'importe laquelle... La plus fantastique des bibliothèques que vous n'ayez jamais vue ou même imaginée ? Nous sommes parvenus devant une porte métallique qui paraissait ordinaire. Il a introduit une clef dans la serrure. La porte s'est ouverte, il m'a fait entrer dans un corridor noir, tandis qu'il se préoccupait d'allumer toutes les lumières du lieu. Faites-vous plaisir, me dit-il juste avant de quitter le lieu. Ici ce sont des milliers de livres, non pas ceux de Borges, mais ceux qui ont inspiré Borges et ceux qui ont été inspirés par Borges, j'espère que dans cette immensité labyrinthique vous apprécierez cette autre forme de vertige que peut vous inspirer notre ami commun...
Je n'ai pas eu le temps de me retourner, Monsieur Cervantès était déjà parti, m'enfermant à double-tour dans le sacrosaint lieu. Il ne me restait plus qu'à entamer la visite... Je ne m'attendais pas à découvrir un tel univers, même si je voyais bien qu'il ressemblait de très près à celui décrit dans La bibliothèque de Babel. J'avançais, je découvrais des galeries construites de manière hexagonale avec des étages, des rayonnages, je découvrais ici un monde que je croyais déployé à l'infini. Je me trompais certainement.
Bien sûr mon premier geste fut d'aller vers les livres. Je découvrais les ouvrages de philosophes tels que Leibniz , Diderot, Schopenhauer, Albert Camus, mais aussi d'autres auteurs tels que bien sûr Miguel de Cervantes, mais aussi Gustave Flaubert, Shakespeare, Edgar Allan Poe, Homère... Les poètes n'étaient pas en reste, Arthur Rimbaud, Paul Valery... Je découvrais des livres qui me parlaient : Les mille et une nuits, La Maison des feuilles... Il y avait même ici les textes d'un certain Bouffanges. D'autres noms m'étaient totalement inconnus. Ils étaient tout aussi nombreux.
Je me suis demandé s'il y avait ici un livre, un seul dans lequel je me reconnaîtrais dans mes pérégrinations actuelles. Ils étaient peut-être finalement tous là...
« Dans le corridor il y a une glace, qui double fidèlement les apparences. Les hommes en tirent la conclusion que la Bibliothèque n'est pas infinie , si elle l'était réellement, à quoi bon cette duplication illusoire ? Pour ma part, je préfère rêver que ces surfaces polies sont là pour figurer l'infini et pour le promettre... »
Je me suis vu tourner à l'infini dans ces fractales hexagonales où le chemin semblait le même et les livres totalement différents. J'avais l'impression de m'égarer jusqu'au moment où j'ai découvert cet escalier en colimaçon que j'ai décidé d'emprunter, ou plutôt n'est-ce pas lui qui a décidé que je l'emprunterais, un peu comme les livres dont on croit faire le choix de les lire... L'escalier donnait cette impression arrogante d'être lui aussi infini, non plus cette fois vers un gouffre abyssal mais vers un ciel tout aussi vertigineux et angoissant, paraissant sans limite où je ne distinguais pas le couvercle qui aurait su se poser dessus et me rassurer. Au cours de son ascension, j'ai été pris de nouveau par un terrifiant vertige. Je voyais les livres tourner autour de moi dans un tourbillon insaisissable. Au fur et à mesure de cette ascension laborieuse et en même temps envoûtante, je devinais que quelqu'un m'attendait là-haut. Une fois le palier atteint, j'ai découvert Monsieur Cervantès tranquillement installé devant un jeu d'échecs. À ses pieds gisait une peau de tigre qui m'a fait froid dans le dos. Monsieur Cervantès n'a pas daigné lever le regard vers moi. Impressionnant, n'est-ce pas ? Je ne savais pas s'il évoquait les livres, la partie d'échecs entamée ou bien l'escalier. Ou peut-être que l'ensemble était un tout indivisible désormais pour moi... Il m'a simplement donné rendez-vous dès le lendemain matin pour un ultime voyage, une nouvelle expérience. Nous l'appellerons cette fois-ci : labyrinthe, dit-il sereinement. Je passerai vous prendre chez vous...
Nous avons roulé longtemps jusqu'à l'océan. Nous avons emprunté un chemin qui menait à une crique très étroite. Une barque en bambou semblait nous attendre. L'île où nous avons accosté n'était pas très loin du rivage. Nous avons gravi un chemin qui longeait une clôture arborescente. Devant une porte en bois entourée d'arbustes, il l'a ouverte et m'a dit ces seuls mots : gardez toujours votre gauche, c'est la seule manière de vous en sortir. Je vous attends de l'autre côté.
C'était bien sûr un labyrinthe qui s'offrait à moi, mais pas n'importe lequel. Un labyrinthe composé de miroirs dans lequel forcément je retrouvais sans cesse mes gestes, mes mouvements, mon reflet, au fur et à mesure que j'arpentais les couloirs. Par moment, je m'arrêtais d'avancer, je regardais le miroir, je me demandais s'il n'y avait pas derrière l'envers du décor autre chose. Forcément, déjà conditionné par mes expériences précédentes, je voyais le vertige partout.
Ici j'avais rendez-vous avec un autre pan de Fictions, le visible et l'invisible au travers d'un chemin labyrinthique. Toutes les nouvelles figurant dans Fictions évoquent plus ou moins cette dimension quasiment mythologique. J'avançais, je me perdais, je n'arrivais pas à trouver la sortie, j'avais l'impression de tourner en rond. Brusquement, je me suis arrêté devant un des miroirs, observant mon reflet. J'ai vu apparaître un enfant, un enfant de six ou sept ans, je me suis reconnu dans cet enfant. Il venait vers moi, il me tendait les bras et puis j'ai vu cet enfant tomber, cet enfant qui était moi, tomber d'une petite falaise, s'agripper à ce qu'il trouvait, s'accrocher à des branches qui étaient là par bonheur, accroche-toi, ne bouge plus, ont dit mes parents, j'étais tétanisé de peur, mon père est descendu me chercher, m'a ramené à l'endroit où ma mère pleurait de peur et de joie en même temps, me serrant brutalement. Je voyais tout cela à travers le miroir que je contemplais, un peu comme un film. Puis l'image s'est effacée et je me suis retrouvé tel que j'étais actuellement. C'est alors que j'ai enfin trouvé la sortie de cet infernal labyrinthe. Monsieur Cervantès m'attendait avec sa montre à gousset dans la main. Bravo, vous avez un peu traîné à la fin, je ne sais pas pourquoi... J'espère que vous avez pu mesurer physiquement ce à quoi Fictions nous invite.
Il m'a proposé de revenir seul à la plage. La barque en bambou m'attendait. Je l'ai emprunté pour revenir au rivage, mais c'est là que tout a chaviré, au sens moral je vous rassure. Je m'étais endormi sans doute, la barque a dérivé longtemps. Je me suis réveillé, j'étais loin de l'île, mais j'apercevais le rivage d'en face.
J'ai repris les rames, j'ai regardé ma montre, j'avais dérivé durant quatorze jours et quatorze nuits... J'ai contemplé le disque blanc de la lune dans un ciel entre chien et loup. Était-ce le matin qui venait ou le soir qui s'épaississait ? Des lambeaux de feu léchaient l'onde. J'étais incapable de distinguer ce qui relevait du réel et de l'imaginaire.
Sur le rivage qui approchait, j'étais prêt à m'échouer. J'ai aperçu des lumières qui bougeaient, c'était Jimmie Criquette qui m'accueillait au bord de la plage, en brandissant une lanterne qu'elle agitait dans un mouvement de balancier régulier…
Étrangement, je me sentais apaisé, comme si cette traversée du miroir avait adouci le cours du temps. Comme si l'invisible avait été rendu visible. Je m'étais perdu dans un texte vertigineux qui pouvait revêtir plusieurs sens, à chacun d'y puiser son interprétation. Qu'importe le sens précis ! N'est-ce pas notre manière de stabiliser l'ambiguïté d'un texte qui nous aide à y mettre du sens ? J'en appréciais à présent la simplicité profonde et envoûtante qu'il m'en restait.
De retour chez moi, j'ai appelé Monsieur Cervantès, mais ce fut un message automatique indiquant qu'il n'y avait aucun abonné au numéro demandé. J'ai couru jusqu'à chez lui mais le digicode refusait d'accepter le code que je lui donnais. J'ai couru jusqu'à la librairie, le libraire se souvenait parfaitement de moi. Alors, cette lecture de Borges ? Je lui ai demandé s'il connaissait la personne qui était là dans la boutique le soir où j'ai acheté le livre. Il n'y avait personne d'autre que vous et moi, en plus avec une horrible cravate jaune, je m'en serais souvenu.
Qu'est-ce que le réel ? Doit-on croire à ce qui nous arrive ? Tous les possibles sont-ils possibles ? L'infini est-il possible ?

« Avec soulagement, avec humiliation, avec terreur, il comprit qu'il était lui aussi une apparence, qu'un autre était en train de le rêver. » [Les ruines circulaires]
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« Jorge Luis Borges est l'un des dix, peut-être des cinq auteurs modernes qu'il est essentiel d'avoir lus. Après l'avoir approché, nous ne sommes plus les mêmes. Notre vision des êtres et des choses a changé. Nous sommes plus intelligents » Claude Mauriac.

Borges or not Borges, c'est la question que l'on se pose en ouvrant son recueil de nouvelles, surtout après la lecture de la première nouvelle « Tlön uqbar orbis tertius ». Jorge est un créateur de monde. Il aime nous embarquer dans sa réalité qu'il veut nous faire nôtre. Pour lui à la manière d'un Berkeley, il nous montre que les choses n'existent que par nos idées. Comme pour le philosophe précité, seuls les esprits ont une réalité substantielle, les objets dits « matériels » sont réduits à une somme de qualités perçues. Il n'est pas possible qu'ils aient une existence quelconque en dehors des esprits ou des choses pensantes qui les perçoivent. A partir de ce postulat, Borges nous prend par la main et nous demande de penser autrement pour réussir à recréer avec lui un monde débordant de fictions borgésiennes…

Et on voyage loin avec l'ami Jorge. D'abord au travers de ses miroirs à réflexions multiples, puis dans ses labyrinthes immenses, enfin avec son temps qui dure une année dans quelques secondes. Chez Borges la succession du rêve et de l'éveil a pour effet de fusionner les deux états au point de ne plus réussir à les différencier. On se perd dans ses récits, on s'y noie. On pense perdre la notion de vérité dans son monde irréel mais bien vite on s'aperçoit que Jorge nous entraîne dans sa propre dimension qui est bien plus vraie que notre banale matérialité. A y regarder de plus près sa réalité virtuelle se transforme en une réalité augmentée. Cet auteur entretient aussi une certaine confusion entre les personnages et les personnes existantes. Ce flou artistique nous empêche de démêler le vrai du faux. Ses vraies fausses citations deviennent florilèges ainsi que ses fausses vraies oeuvres.

Quand on lit du Borges on doit accepter l'idée que les mots peuvent changer de sens. Son fantastique se situe également au niveau de sa prose. Une écriture agréable mais exigeante qui en quelques mots bien choisit sait nous décrire son univers. Son oeuvre peut ravir les intellectuels par l'érudition qui y règne. On se sent obligé de sortir de temps en temps le dictionnaire pour comprendre le sens de certains mots. Des mots qui possèdent plusieurs significations à la fois comme la plupart d'ailleurs de ses histoires. On finit par se demander si c'est l'auteur ou le lecteur qui a écrit le texte. le génie de Borges consiste à donner à ses nouvelles la même puissance que des romans. Borges fait usage également de termes scientifiques car Il est à la fois mathématicien et écrivain. La science-fiction et fantastique sont chez lui enchevêtrés.

Une découverte originale et transgressive qui en étonnera plus d'un. Un exercice intellectuel qui se situe au bord de l'effort neuronal. C'est grâce à sa culture et à ses connaissances que Borges parvient à nous transcender et à nous rendre plus intelligents. La boucle est bouclée, le cercle peut se fermer.

« Je n'écris ni pour les élites, ni pour les masses, j'écris pour moi, pour mes amis, et pour adoucir le cours du temps ».

« Ce qui importe, ce n'est pas de lire, mais de relire »

Merci à mes amis –es pour cette (re)lecture commune.
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Citations et extraits (184) Voir plus Ajouter une citation
Cette année-là, mon père m'avait emmené passer l'été à Fray Bentos. Je revenais de l'estancia de San Francisco avec mon cousin Bernardo Haedo. Nous rentrions en chantant, à cheval; et cette promenade n'était pas la seule raison de mon bonheur. Après une journée étouffante, des nuages énormes couleur d'ardoise avaient caché le ciel. Le vent du sud excitait l'orage; déjà les arbres s'affolaient; je craignais (j'espérais) que l'eau élémentaire nous surprît en rase campagne. Nous fîmes une sorte de course avec l'orage. Nous entrâmes dans une rue qui s'enfonçait entre deux très hauts trottoirs en brique. Le temps s'était obscurci brusquement; j'entendis des pas rapides et presque secrets au-dessus de ma tête; je levai les yeux et vis un jeune garçon qui courait sur le trottoir étroit et défoncé comme sur un mur étroit et défoncé. Je me rappelle son pantalon bouffant, ses espadrilles; je me rappelle sa cigarette dans un visage dur, pointant vers le gros nuage déjà illimité. Bernard lui cria imprévisiblement : Quelle heure est-il Irénée ? Sans consulter le ciel, sans s’arrêter, l’autre répondit : Dans quatre minutes, il sera huit heures, monsieur Bernado Juan Francisco. Sa voix était aiguë, moqueuse.
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Nul ne le vit débarquer dans la nuit unanime, nul ne vit le canot de bambou s'enfoncer dans la fange sacrée, mais peu de jours après nul n’ignorait que l'homme taciturne venait du Sud et qu'il avait pour patrie un des villages infinis qui sont en amont, sur le flanc violent de la montagne, où la langue zende n'est pas contaminée par le grec et où la lèpre est rare. Ce qu'il y a de certain c'est que l'homme gris baisa la fange, monta sur la rive sans écarter (probablement sans sentir) les pites qui lui déchiraient la peau et se traina, en proie à la nausée et sanglant, jusqu'à l'enceinte circulaire que surmonte un tigre ou un cheval de pierre, qui eut autrefois la couleur de feu et maintenant celle de la cendre.
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La mort et la boussole

Une lueur le guida à une fenêtre. Il l'ouvrit : une lune jaune et circulaire définissait dans le jardin triste deux fontaines obstruées.Lönrot explora la maison. Par des offices et des galeries, il sortit dans des cours semblables et à plusieurs reprises dans la même cour. Il montapar des escaliers poussiéreux à des antichambres circulaires ; il se multipia à l'infini dans des miroirs opposés; il se fatigua à ouvrir et à entrouvrir des fenêtres qui lui révélaient, au-dehors, le même jardin désolé, vu de différentes hauteurs et sous différents angles ; à l'intérieur, des meubles couverts de housses jaunes et des lustres emballés dans de la tarlatane. Une chambre à coucher l'arrêta ; dans cette chambre , une seule fleur et une coupe de porcelaine : au premier frôlement, les vieux pétales s'effritèrent. Au second étage, le dernier, la maison lui parut infinie et croissante : « la maison n'est pas si grande , pensa-t-il. Elle est agrandie par la pénombre, la symétrie, les miroirs, l'âge, mon dépaysement, la solitude. »
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Mon père me rapportait qu'autrefois — parlait-il d'années ou de siècles ? — la loterie était à Babylone un jeu de caractère plébéien. Il racontait, mais je ne sais s'il disait vrai, que les barbiers débitaient alors contre quelques monnaies de cuivre des rectangles d'os ou de parchemin ornés de symboles. Un tirage au sort s'effectuait en plein jour, et les favorisés recevaient, sans autre corroboration du hasard, des pièces d'argent frappées. Le procédé était rudimentaire, comme vous le voyez.
Naturellement, ces " loteries " échouèrent. Leur vertu morale était nulle. Elles ne s'adressaient pas à l'ensemble des facultés de l'homme, mais seulement à l'espoir.

LA LOTERIE À BABYLONE.
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Les métaphysiciens de Tlön ne cherchent pas la vérité ni même la vraisemblance : ils cherchent l'étonnement. Ils jugent que la métaphysique est une branche de la littérature fantastique.
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Vidéo de Jorge Luis Borges
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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