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Critique de Dandine


Nuevos cuentos de Bustos Domecq. Lu en v.o.

Honorio Bustos Domecq est un auteur singulier. Sa prose se demarque notablement de tout ce qu'a ete ecrit a son epoque en Argentine. Une prose qui melange erudition et bavardages populaires un peu ballots. Comme s'il n'avait pas digere sa culture. Ou comme si, apres t'avoir digeree, il l'eructait comme un vulgaire gaucho qui aurait abandonne sa pampa pour se perdre dans une des petites bourgades autour de Buenos Aires. Dans ses contes il transmet les racontars de ses nouveaux voisins, ses nouveaux congeneres, et des fois nous fait don de sa propre logorrhee. le tout ne servirait meme pas de litterature de gare et on est en droit de se demander qui et combien il a paye pour se faire editer. Et pourtant… il est admire par de grands litterateurs, de toutes generations, et on lui a meme consacre des theses et d'innombrables articles. Certains critiques ont soutenu que lui-meme n'a rien ecrit et qu'il avait un negre, voire deux negres, et ont meme avance de grands noms pour cette tache. Reves eveilles de critiques. Enfin… va savoir…

De ces “nouveaux contes" la plupart sont des monologues rapportes par l'auteur, une fois ce sont des lettres, sans reponse donc qui font aussi figure de monologue, et une fois il recopie le texte d'un critique grincheux qui s'acharne a demolir un poete oublie du 18e siecle.

Ceux qui monologuent ainsi sont des rates aux reves de grandeur inassouvis, de petits malfrats dont les manigances se retournent presque toujours contre eux, des leche-culs qui cherchent le bon derriere. Retransmis par Bustos Domecq, on ne sait si ces monologues sont fideles ou si l'auteur en profite pour clamer son inculture avec grandiloquence. Il cite des auteurs qu'il ne connait pas, dont il corrige les noms. La langue aussi en prend pour son grade. Il adultere des mots, mamajuana pour damejeanne, formidavel pour formidable, et j'en passe. En plus il melange sans discernment beaucoup de registres linguistiques, le franc-parler de la rue, des vestiges d'anciennes lectures, le verlan local. Les immigres de tous pays ayant envahi son parler, les francais lui feront dire “yo hesito”, les portugais “no fuera algún cabreira a cabriarse y a venir calveira pegándonos”, mais ce sont surtout les italiens, mascalzones, qui le gangrenent: “unas letras frangollo, a la fratellanza, del puntaje senza potencia, attenti Nelly!, como el spiedo del Perosio, sotto la mirada del babo". Des fois tout se melange en une hasardeuse tour de Babel: “tantos biglietes de hasta cero cincuenta que no habrá visto tantos juntos ni el Loco Calcamonía, malgrado su corta edad”. Je suis plein de compassion pour le traducteur attitre.

Bon, j'arrete de medire de ce pauvre Bustos Domecq. Qu'est-ce que je cherchais dans ce livre? Je ne sais plus et cela n'a aucune importance. Je sais par contre ce que j'y ai trouve. Un conte, La fiesta del monstruo, ou une bande de pequenauds provinciaux viennent a Buenos Aires pour la fete (nationale?) faire la bamboula et surtout ecouter le discours du leader, “le Monstre", et l'applaudir. En route ils boivent chantent s'empiffrent se disputent boivent crient chantent boivent et finissent, juste avant d'arriver a la grande Plaza de Mayo ou le Monstre doit se montrer au balcon du palais presidentiel, la Casa Rosada, par croiser un drole d'energumene, un petit juif a barbes et a lunettes ave son livre sous le bras. Un personnage grotesque, different, pas des notres donc suspect, suspect donc condamnable, comdamne d'office, qui provoque l'hilarite de la bande et l'action immediate la plus appropriee: sa lapidation. ”El primer cascotazo lo acertó, de puro tarro, Tabacman, y le desparramó las encías, y la sangre era un chorro negro. Yo me calenté con la sangre y le arrimé otro viaje con un cascote que le aplasté una oreja y ya perdí la cuenta de los impactos, porque el bombardeo era masivo. Fue desopilante; el jude se puso de rodillas y miró al cielo y rezó como ausente en su media lengua. Cuando sonaron las campanas de Monserrat se cayó, porque estaba muerto. Nosotros nos desfogamos un rato más, con pedradas que ya no le dolían. Te lo juro, Nelly, pusimos el cadáver hecho una lástima. […] Presto, gordeta, quedó relegado al olvido ese episodio callejero. Banderas de Boitano que tremolan, toques de clarín que vigoran, doquier la masa popular, formidavel.” (Je m'essaie a traduire: le premier coup l'atteignit par pure chance, Tabacman, et lui eparpilla les gencives, et le sang etait un jet noir. Je me suis echauffe avec le sang et lui approchai un autre voyage avec un gravat que je lui ecrasai une oreille et je perdis le compte des impacts parce que le bombardement etait massif. Ce fut desopilant; le jude se mit a genoux et regarda le ciel et pria comme absent en sa demie langue. Quand sonnerent les cloches de Monserrat il tomba, parce qu'il etait mort. Nous nous epanchames encore un moment, avec des tirs qui ne lui faisaient plus mal. Je te le jure, Nelly, nous avons laisse un piteux cadavre. […] Presto, ma grosse, fut oublie cet episode de rue. Drapeaux de Boitano qui s'arborent, appels de clairon qui revigorent, partout la masse populaire, formidavel.)

Je sais maintenant ou Antonio Dal Masetto (Deux hommes a l'affut) et Osvaldo Soriano (Quartiers d'hiver) ont ete pecher leur premiere idee de base. On me susurrait que c'etait chez Borges. En verite je vous le dis, c'est plutot chez ce minable de Bustos Domecq qu'ils l'ont degottee. Dans ce terrible conte a l'humour grincant qu'est La fiesta del monstruo. Et si eux y ont trouve une source, meme si de rare debit, je devrais, moi, nuancer mon avis sur ce Bustos Domecq. Il n'est peut-etre pas si minable. Je vais faire amende honorable. J'ai trop l'habitude d'encenser de grands noms de la litterature argentine, comme Borges ou autres Bioy Casares, je prendrai dorenavant le pli de reserver quelques louanges aux petits comme Bustos Domecq.


P. S. Ne me jettez pas la pierre. Je l'avais annonce: jamais deux sans trois.
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