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Critique de fbalestas


Lorsque David Bosc débute son récit, nous sommes en 1873, le peintre Courbet vient de vivre l'épisode difficile de la Commune, il a été arrêté et condamné à six mois de prison pour l'histoire de la colonne Vendôme et l'auteur vient le surprendre dans cette année où il décide de partir se réfugier en Suisse, non loin de sa Franche Comté natale.
Commençons comme lui, lorsque nous nous arrêtons auprès de l'eau de la Loue, celle que Courbet a beaucoup peint par temps d'orage par exemple :
« L'eau de la Loue, au bleu de l'aube, a le renflement de l'huile. La maison ventrue du père y trempe de tout son long, miche dure mise à mollir pour les oies ou les coquecigrues. Et Courbet prenait la route avec la confiance heureuse, impensée, de qui a chez son père un port où faire relâche, un port-salut en cas de gros temps ou de mortelle fatigue, un repaire, enfin, où se protéger du vacarme et du silence. »
David Bosc va dévider ainsi son style au fil de l'eau. Il va nous fait revivre les derniers moments du grand peintre avec beaucoup de réalisme.
Entrecoupé d'extraits authentiques de rapports de police (Courbet est probablement espionné), le récit met en scène, dans l'attente du fameux procès concernant la colonne Vendôme, ses deux passions dans la vie : la peinture et le bain.
Par son style, l'auteur tente de couler son style au plus près de celui du peintre du réalisme français :
« Courbet sauta dans l'eau à la façon d'un cheval, le nez en l'air et la poitrine en avant. L'orage de la veille avait grossi la rivière, qu'un encaissement de roche faisait tonique en toute saison. »
Néanmoins, pas de panégyrique sous la plume de D. Bosc, juste une évocation très réaliste de la vie quotidienne.
En effet, le peintre se doit d'« honorer un nombre considérable de commandes et s'est mis dans la tête de changer en or l'énorme scandale de son nom ». Car Courbet est tout sauf un imbécile. Il a opté très tôt pour la stratégie que lui confère le scandale : beaucoup d'ambition pour sa peinture mêlée à une très grande confiance en soi le conduisent à tout mettre en oeuvre pour se faire connaître. Dans quelques années, on appellera cette stratégie du Marketing…
Et donc Courbet, dès mars 1872, après avoir purgé sa peine d'emprisonnement, « avait engagé des aides pour accélérer sa production de paysages avec ou sans gibier (..) ils préparaient les couleurs, montaient les châssis qu'ils tendaient parfois de toile mais plus souvent de papier fort, brossaient les fonds de brun, de rouge sombre. »
Alors, Courbet serait-il un peintre industrieux qui peint une vingtaine de tableaux en deux mois et demi seulement ? Les Bourgeois veulent des Château de Chillon ? Il en peindra des dizaines s'il le faut. Il peindra des lacs, des châteaux et des montagnes, tout ce que les gens aiment avoir sur leur cheminée de salon.
Il y a encore quantités de trésors dans ces cent seize pages où rayonnent la bonhomie et la joie de vivre malgré la maladie : les relations entre le père Régis et son fils, les relations aux femmes bien sûr – très belles pages à propos des représentations des dormeuses chez Courbet - , ou encore son goût de la boisson ou les virées dans les bars.
Personnellement je l'ai lu et relu, une anthologie de ses tableaux à la main, guidée par le récit de cette Claire fontaine.
« Courbet avait besoin qu'on s'occupe de lui parce qu'il aimait qu'on s'occupe de lui ». Tout est dit et David Bosc réussit magistralement cette évocation du peintre, quitte à utiliser tous les trésors de la ponctuation pour dire la gouaille et la verve du peintre français. Une belle tentative de traduire par la plume ce que Courbet a tenté de peindre toute sa vie, un style superbe et un vrai succès à ressusciter le peintre et à le faire revivre pendant quelques pages, en nous donnant l'impression d'avoir assisté en direct à ses dernières années.

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