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Critique de Sachenka


Je suis encore tout remué par cette histoire, le mas Théotime, un de mes coups de coeur de cette année. Et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, il y a ce charme du sud de la France, de la Provence, comme on le retrouve dans les histoires de Giono ou Pagnol. Ces petits villages charmants, les exploitations agricoles avec leurs propriétaires et leurs métayers, puis les étendues sauvages aux alentours, le tout parfois soumis aux intempéries et à la rudesse du climat, les étés chauds et les hivers difficiles. Et ces gens qui travaillent la terre, la cultivent, la civilisent, ils en sont orgueilleusement fiers et ils en gardent jalousement chaque parcelle, comme s'il s'agissait de leur vie. Et l'auteur Henri Bosco réussit merveilleusement bien à glorifier cette existence sans occulter les aspects moins positifs. Isolement, dur labeur, chicanes de voisins.

En effet, le protagoniste Pascal Dérivat se retrouve en possession de plusieurs métairies, dont le fameux mas Théotime du titre (qu'il tient d'un grand-oncle du même nom). C'est un homme du pays, doté d'« une sagesse assez rustique », esseulé sur ses terre, qui aime les travaux des champs, mais cultivé aussi, aimant herboriser. Il mène une vie rangée et paisible, en bonne harmonie avec ses fermiers, les Alibert, honnêtes et travailleurs, qui « étaient modelés aux exigences de la terre » (p. 30)

Puis, un jour, sa (distante) cousine fait irruption chez lui et dans sa vie. « Je connaissais assez Geneviève pour craindre que son irruption dans ce monde bien équilibré n'y apportât un dérèglement dont nous aurions bientôt tous à souffrir. » (p. 30) Il y a bien quelque chose entre eux, une vieille histoire, un malaise certain mais une connivence qui se transforme rapidement en une attirance, des sentiments. Mais la jeune femme est mariée et l'intrigue se déroule à une autre époque, où ces choses sont importantes. Mais on se plait à l'oublier et à espérer des moments heureux. On y croit. « Dans ce paysage se forme le rêve lui-même […] » (p. 68). Est-ce le début d'une histoire d'amour? Non, du moins, pas un roman d'amour conventionnel ni à l'eau de rose. Chaque fois qu'ils semblent se rapprocher – et certains de ces moments sont magnifiques, comme dans l'ermitage à Mitocombe – quelque chose survient et les sépare à nouveau.

Au même moment, les difficultés avec un voisin chicaneur, le vieux Clodius (un parent lui aussi, un cousin) prennent un tournant pour le pire. Avare, mesquin, calculateur, c'est le genre de voisin que personne ne souhaite et qui peut causer bien des problèmes. Peut-être même une vengeance? Sa malveillance ajoute une dimension supplémentaire au roman, l'empêche de s'enliser dans une histoire romantique mielleuse. Plutôt, le conflit escalade rapidement, créant une atmosphère lourde. Les voisins s'espionnent. Mais c'est tout de même l'occasion de découvrir d'autres pans de ce paysage magnifique, le vieux sentier, la montagne, les pâturages, etc.

L'auteur Henri Bosco nous amène là où il le veut, réussissant constamment à surprendre ses lecteurs. Cette alternance entre moments doux et précieux, oniriques – après tout, la glorification du travail des champs s'y prête beaucoup – et d'autres, intenses et pesant, était parfois déstabilisante mais c'est ce qui peut rendre une oeuvre originale et réussie, s'éloignant des sentiers battus et prévisible. du moins, c'est mon avis. La plénitude, la passion refoulée de Pascal, je les ressentais. Mais il en allait de même de son inquiétude, de son angoisse. Je partageais tout! Même l'oppression. Il faut dire que, avec un homme romanesque comme lui, avec une propension à la réflexion, à l'introspection, il était très facile de se placer dans la peau de ce personnage.

Le rythme de ce roman était plutôt lent mais, étrangement, cela ne m'a pas dérangé du tout. En effet, une certaine lenteur convient à ce genre d'histoire qui doit se laisser développer précieusement. Un rythme effréné aurait été affreux et ça aurait été passer à côté de l'essentiel. L'intrigue est une chose, mais l'univers l'est tout autant et, pour bien le saisir, il faut vivre au gré des saisons, de la nature. Et elle sait se montrer généreuse.

Henri Bosco, c'est un des chantres de la Provence. Ses mots, simples et recherchés à la fois, visent toujours juste. Ils arrivaient à créer des images, des impressions, des sensations. J'avais l'impression d'y être, de côtoyer Pascal, Geneviève et tous les autres. de participer aux travaux des champs, de me promener sur des sentiers, de me reposer dans un hamac au clair de lune, etc. Les descriptions sont nombreuses mais jamais chargées. Elles sont intégrées judicieusement à l'histoire, se mêlent à l'action, aux souvenirs, aux sentiments que ressentent les personnages. Tout est si bien entremêlé pour former une oeuvre magistrale. Ceci dit, Bosco ne fait pas que décrire, il se transforme en poète à l'occasion et sa plume originale et innovatrice offre de jolis jeux de mots. « Une nuit qu'il faisait très chaud et qu'il lunait doucement […] » (p. 40)

Je me répète : le mas Théotime est un de mes coups de coeur de l'année et il me tarde de lire d'autres romans de Bosco.
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