Le psychiatre rédige une ordonnance, qu’il tend à mon père. Puis il cherche des yeux son manteau en poils de chameau. C’est alors que son regard tombe sur moi. Il me fixe et, pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression que quelque un me voit. Son regard me dit que j’existe. J’ai cessé d’être transparent. Tout à coup j’ai un corps. Une âme. Il m’a vu. Il a vu. Il a compris. Il sait. Il va le leur dire. Il va leur dire que ça suffit les horreurs. Peut-être même va-t-il m’emmener tout à l’heure avec lui, le temps que les choses s’arrangent à la maison, et c’en sera fini pour moi d’être une serpillière posée dans un coin.
C'est dans cette ambiance chaleureuse que je passais mon adolescence. Chaque instant était une boule de violence qui trônait au milieu du salon : il fallait raser les murs pour ne pas risquer de la toucher et qu'elle explose.
... mon ambition n'était pas d'exister dans ce monde, mais de faire exister un monde.
On crut que je ne passerais pas une journée de plus lorsque je condescendis à absorber le lait d'une chèvre que l'on avait trouvée presque par hasard dans les environs de la maternité. C'est à cet animal à la réputation de sale caractère que je dois d'avoir survécu.
Si je n'avais pas la prétention de sortir du lot, j'avais celle de n'en pas faire partie.
J'adore Max.
Longtemps j'ai imaginé qu'il était mon père.
Lui aussi a couché avec ma mère.
Neuf mois plus tard Laurence m'annonçait notre rupture. il avait fallu qu(elle devienne mère pour se décider ;"Je peux te quitter puisque maintenant que nous avons fait un enfant , je sais que je ne te perdrai jamais", me dit-elle au téléphone.
Mon père est excellent cuisinier. Tous les dimanche, il fait le marché et prépare le repas. Sa spécialité est le lapin chasseur.
Lorsqu'il est de bonne humeur ou se trouve satisfait de moi, il m'ébouriffe les cheveux et m'appelle "mon petit lapin".
Jamais je n'ai perçu l'aventure sexuelle comme une pratique sociale ni une formalité à rendre à la nature, mais comme l'une des rares possibilités que j'avais de me livrer avec quelqu'un à une expérience humaine qui me dépasse (en temps de paix).
Si jamais je suis intelligent, c'est en trompant mon monde que je le suis devenu : que ne devais-je étudier les apparences pour leur donner un sens que j'avais perdu. C'est ainsi que je sus très tôt que le vraisemblable ne se confond pas avec la vérité, ni le réel avec sa représentation, ce qui m'éloigna rapidement de mon époque.