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Critique de Surbookee


De toutes les affaires criminelles que j'ai pu étudier, l'affaire Ranucci est peut-être la plus importante au vu des nombreuses questions qu'elle a et continue de soulever, bien des années après les faits et l'exécution de Ranucci, reconnu coupable du meurtre de Marie-Dolorès Rambla. Deux thèses s'opposent : celle des partisans de l'innocence de Ranucci et le combat pour sa réhabilitation, menée principalement par ses avocats et l'écrivain Gilles Perrault, et celle des voix dissidentes qui penche pour sa culpabilité comme le policier Gérard Bouladou.

Personnellement, je suis persuadée de la culpabilité de Ranucci. Avant de me faire une opinion, j'ai lu avec la plus grande attention "Le Pull-over rouge" de Gilles Perrault mais du fait de mes connaissances en sciences criminelles, j'ai été très agacée par de nombreuses incohérences, un acharnement permanent contre les acteurs judiciaires qui sont intervenus tout au long de l'enquête ainsi qu'une révoltante habitude de tordre les faits pour les faire correspondre de force à une théorie plus que farfelue. de plus, il m'est apparu évident que Gilles Perrault se servait du manque de connaissance des arcanes du monde judiciaire de son lectorat pour l'induire en erreur et chercher son adhésion.

Je ne développerais pas davantage les nombreux défauts de ce livre car ce n'est pas l'objet de la présente critique. Je renvoie pour plus de détails à la critique que j'ai consacrée au "Pull-over rouge".

Ayant pris connaissance des arguments de la défense de Ranucci, je me suis plongée dans la lecture de la thèse adverse, à savoir la culpabilité de Ranucci. L'ouvrage de Gérard Bouladou m'a paru le plus approprié car l'auteur, un policier, maîtrise la procédure pénale et tous les rouages du monde judiciaire. de plus, l'auteur a entrepris cette démarche avec une certaine neutralité au départ. En effet, il n'était pas tout de suite convaincu de la culpabilité de Ranucci. Son statut de policier lui a permis d'avoir accès à de nombreuses pièces du dossier, contrairement à Gilles Perrault qui s'est essentiellement basé sur les articles approximatifs et souvent erronés de l'époque. Il a également pu retrouver les participants de l'affaire et obtenir leurs témoignages qui démentent assez souvent les affirmations de Perrault. Avec méthode, l'auteur démontre point par point la culpabilité de Ranucci et les incohérences de la démonstration de Perrault. J'ai été assez satisfaite de voir que tous les détails aberrants que j'avais relevé également par Gérard Bouladou. Et à la fin de ma lecture, j'ai été entièrement convaincue de la culpabilité de Ranucci.

Concernant la théorie abracadabrantesque de Perrault, j'ai été retenu plusieurs choses de cette contre-enquête. Tout d'abord, je n'ai rien contre le fait qu'on puisse défendre l'innocence d'un condamné, je pense au contraire que cela fait grandir la Justice. En revanche, j'accepte difficilement qu'on fabrique un innocent d'un coupable en tordant les faits et en manipulant l'opinion publique comme l'a fait Gilles Perrault. de toute évidence, ce dernier a voulu endosser le rôle de Zola dans l'affaire Dreyfus. Il est allé jusqu'à faire dire des paroles imaginaires à Ranucci avant son exécution ("Réhabilitez-moi !") alors que les personnes présentes ce jour-là ont certifié qu'il n'a rien dit. Pire, il va jusqu'à mettre en scène la décapitation pour atteindre le lecteur (la tête qui rebondit deux fois), mensonge ignoble car il n'était techniquement pas possible que cela arrive dans la mesure où un assistant exécuteur tenait la tête au moment de la chute du couperet. C'est un total manque de respect !

Ce qui est inquiétant, c'est que Perrault a réussi à convaincre autant de monde en distillant ses manipulations, à croire que tout ce qu'il dit est parole d'Évangile. C'est pourquoi j'invite vivement ceux qui veulent se faire une opinion à lire les deux thèses et se faire leur propre idée plutôt que de se contenter d'une seule version.

Que l'on soit en faveur de l'innocence ou la culpabilité de Ranucci, une chose met tout le monde d'accord : le combat des avocats de la défense aurait dû se porter non as surl'innocence de Ranucci mais sur la peine de mort. C'est d'ailleurs ce qu'avait noté Valéry Giscard d'Estaing à l'époque, lorsqu'il avait examiné le recours en grâce. Il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'innocence de Ranucci, cela relevait des institutions judiciaires. Ce fut probablement cette erreur qui coûta la tête de Ranucci car même la partie civile ne réclamait pas la peine de mort.

Coupable ou innocent, l'affaire Ranucci restera à jamais une tragédie judiciaire.
Lien : http://serial-reader.over-bl..
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