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Critique de horline


Le paysan russe sous la plume de Bounine n'a rien de doux, ni de pacifique ou de naturellement bon.
Dans "Le village", ce sont des portraits de moujiks taillés à la faux, des paysans du début du vingtième siècle, rustres, paresseux et cruels…des portraits sans concessions. L'auteur dépeint dans ce roman, à travers le regard de deux frères, Tikhon et Kouzma Ilitch, l'un commerçant l'autre citadin, la banalité de la misère qui frappe Dournovska, village noir "de squelettes d'isbas au milieu de seigles grêles, sans épis où règne une odeur de crasse et de fumier".

Ce sont des portraits qui exonèrent d'intrigue tant le désoeuvrement y est prégnant. Les paysans se débattent dans la fange pour de l'eau-de-vie et un peu de tabac dans un pays où "pendant huit mois de l'année souffle le chasse-neige, et pendant quatre tombe la pluie". Lorsque ce n'est pas la rigueur de l'hiver qui plonge le village dans la torpeur, l'ennui et la maladie c'est l'incurie qui frappe la campagne. Peu âpres au travail, les moujiks déambulent de ferme en ferme pour un travail qu'ils quittent lorsque la lassitude les gagne.
Il y a un morne désespoir qui embaume l'âme de ces paysans qui, sous la plume d'Ivan Bounine, revêt tous les attraits d'une douce mélancolie...et une mélancolie magnifiée par un sens de l'observation particulièrement affûté. Alliée à un souci du détail qui envahit tout le récit, cette langueur s'avère propice à une certaine contemplation.
Même l'écho lointain des émeutes qui appellent la révolution de 1905 ne trouble guère le désespoir monotone de Dournovska. Si les va-nu-pieds s'agitent, s'invectivent et menacent de faire grève, la flamme de la colère s'éteint très vite. Ils s'animent davantage pour les "baragouins" et autres cancans du coin car ici "chacun est l'ennemi d'autrui, lui porte envie, le calomnie".
Toutefois, malgré la saleté et l'ivrognerie décrites sans fausse pudeur, l'auteur ne tait pas la rumeur de la ville qui annonce quelques grandes espérances.
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