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Critique de clairemarquez75


Ils s'engagent pour fuir un monde dans lequel ils refusent de suivre les règles, pour mieux plonger la tête la première dans un groupe auquel ils devront tout. L'arbitre de ce jeu de guerre n'a rien de libre. Ils partent loups enragés, et deviennent chiens de combat. Des exécutants. Dans un monde en guerre, rien d'anormal. Faire régner l'ordre exige quelques écritures dans la marge. Rien de surprenant, oui effectivement, l'ordre s'obtient par la violence et la mort. le nier serait vain.
Mais que doit faire le chien qu'on renvoie à coups de pieds loin de l'arène ? Comment croire que ses crocs resteront couverts à l'approche d'une main un peu vive ?
Franck est l'un de ces chiens de guerre. Un chien qui a mordu à contretemps. Un chien renvoyé dans son monde d'origine.

"- Je sais ce que tu vis, je sais ce que tu penses... Je suis passé par là, moi aussi. Après des opérations extérieures, des contrats dans le privé. Je ne trouvais pas ma place en revenant au pays. J'ai galéré dans des régions hostiles. J'ai fait de la formation auprès de l'armée. J'ai même bossé pour l'Etat avec un statut de conseiller militaire.

Le vieux général en rigole. Il avale son verre, encore.
- Je n'ai jamais pu remplir ce truc vide en moi. C'est comme si on m'avait arraché quelque chose, un bout de moi, un bout de mon coeur, de ma tête, je ne sais pas trop.
Édouard digère son dernier verre, I'alcool passe mal, une boule au ventre. Il préfere le reposer et le pousse d'un coup sec, terminé. Pour aujourd'hui.
Franck l'écoute. Etrangement, il l'écoute. Son visage se desserre. le vieux para apprécie.
- Tu dois oublier tout cela, sinon... sinon tu y retourneras, c'est comme un suicide, tant que tu ne seras pas mort, tu y retourneras."

Franck ne comprend plus, au sein même de la cité qui l'a vu grandir, que ces zombies naïfs acceptent leur sort. A commencer par sa mère, Gisèle, chez qui il crèche. Une femme qui l'a elle seule ; seule avec ses rencontres de paumés. Et Cynthia, qui l'a attendu chez Gisèle, un nourrisson accroché à la hanche, le bébé de Franck, conçu lors d'une permission, même s'il ne se souvient plus très bien avoir donné la sienne.

La cité, ce personnage abstrait qui observe tout, qui sait l'inéluctable des rencontres que seule elle-même sait être mauvaise. La cité, et sa laideur dépeinte sans aucune concession par Jérémy Bouquin. La cité comme une impasse au clapet irréversible.

Chien de guerre est plus qu'un roman noir. C'est un désespoir hurlé par ces hommes et ces femmes rodés aux extrêmes, et dont seule l'enveloppe charnelle évidée revient parmi les proches. Et il est alors plus facile de glisser vers le versant obscur, que d'espérer oublier que vous avez laissé votre âme aux pieds des suppliciés rémanents sur votre rétine.

Ce roman fait écho à un bijou découvert il y a peu, La Part du chien, un reportage littéraire d'Aurélie Champagne, dans lequel des soldats traumatisés sont ramenés au plaisir d'un échange, d'une rencontre, avec un chien abandonné. Un miroir poilu et muet, capable de les réveiller et les ramener à bon port. le Franck de Jérémy Bouquin n'est pas de ceux-là. Personne n'est venu le reconnecter, à part peut-être cet Édouard, qui lui propose un travail...un travail à sa dimension.

De nouveau un roman très dur, un reflet de société, un portrait sans concession. du pur acide, une vraie claque !
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