Il était a elle cet homme-la.... Et elle l'aimait au point que, tout de même, elle avait bien le droit de le défendre, de le garder, a elle... a elle... Et rien n'y ferait... personne d'autre n'avait le droit... pas même lui de se détacher d'elle... Quoi qu'il arrivât, quoi qu'il fut arrivé, il ne fallait pas faire d’éclat. Seulement veiller, et n'agir qu'en de petits actes subtils, et garder intact cet amour autour de lui, et auquel il reviendrait : elle l'aimait, on n’échappe pas a un tel amour...
"Tu es seule devant la plus grande douleur de ta vie.
La souffrance l'enlisait en vagues successives et toujours plus lourdes.
Elle sentit que bientôt elle allait s'abandonner et tout compromettre ."
De plus, elle sentait les larmes. Elle en retrouvait le goût sur ses lèvres et ses mains : ses cheveux, tout son visage, ses bras, son linge en étaient imprégnés. Et elle pensa que l'odeur de la souffrance dégoûte toujours un autre.
Elisa attendit un instant. Elle rassembla ses forces. Enfin elle y arriva : courageusement, elle s’assena en plein cœur : « Gilles ne m’aime plus. » Elle chancela. En un grand geste maladroit elle tendit les bras vers Gilles endormi, comme si elle allait lui demander de l’aide. Elle s’arrêta à temps. Non, Elisa, cette fois tu souffriras seule. Pour la première fois tu ne peux demander appui à la tendresse de Gilles, tu dois te défendre comme si tu étais seule au monde. Personne ne peut t’aider… Tu es seule devant la plus grande douleur de ta vie.
"Pour votre pénitence, vous direz une dizaine de chapelets." Pour votre pénitence ?... Soit, elle réfléchira après. (...) Ce qu'elle attendait c''était une aide pour reconstruire sa vie terrestre... qu'on l'apaisât en lui disant qu'elle avait bien agit jusqu'ici et que dans cette voie elle devait continuer... qu'on la conseillât pour ramener Gilles à elle et pouvoir enfin recréer la vie...
Et maintenant elle était là toute seule, assise sur un tas de pierres, fatiguée et transit, avec un amour un peu trop lourd.
C’est chaque jour la même chose. Gilles sera là dans quelques minutes: Elisa n’est plus qu’un corps sans force, anéanti de douceur, fondu de langueur. Elle n’est plus qu’attente.
Pas de maladresse... le laisser revenir à toi sous n'importe quel prétexte... Pas de faux amour-propre... De l'amour-propre ? elle n'en éprouve pas la moindre part, ce sentiment n'a rien à voir avec l'amour.
Et elle fit comme s'il n'y avait rien eu de lourd dans son coeur, hormis cette joie douloureuse et épuisante que tout amour comporte.
Il y a de ces malchances si déconcertantes que l'on ne peut admettre tout de suite leur réalité.