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Critique de michelangelo


Tout à la fin du XVIIIème siècle, alors que la Révolution française bouleverse le champ de pensée européen, le jeune écossais Mungo Park est missionné pour trouver la source du fleuve Niger. L'expédition est modeste mais fonde de grands espoirs sur son efficacité. Mungo est accompagné de Johnson, un guide noir à l'éducation occidentale raffinée. Mais Mungo est jeune et naïf et il devra rapidement abdiquer devant les forces énormes qui lui font face : force brutale et impitoyable des autochtones et pression immense d'un continent sauvage qui n'épargne pas les organismes.
Malgré tout, échappant maintes fois à la mort, Mungo Park rentre en Angleterre où il est acclamé comme un héros. Tardant à rejoindre sa femme en Ecosse, il reste à Londres où il écrit, un peu contraint, le récit de son voyage périlleux en enjolivant quelque peu son périple à son avantage. La découverte de la célébrité sera le mal qui va doucement le mener à sa fin.
De retour auprès des siens, il n'aura d'autre projet que repartir découvrir la totalité du cours du fleuve Niger dont on ne connait, à l'époque, pas la destination finale ! A force d'intrigue, il se retrouve chef d'un corps expéditionnaire complet avec force soldats empruntés au bagne de l'île de Gorée moyennant de copieuses remises de peine et quelques porteurs du cru et bêtes de somme pour porter l'ensemble du matériel.
C'est à Gorée qu'il rencontre Ned Rise, filou anglais poursuivi par la malchance. de petits trafics à grandes malversations (il a vendu du caviar frelaté à toute la noblesse londonienne…), il a rejoint le bagne où l'attend une mort certaine après maintes péripéties hautes en couleur. Ned Rise est embauché par Mungo et ce duo escorté de belles crapules et part à la conquête du Niger.
Ce qui semblait parfaitement organisé va devenir une terrible débandade au fil des mois. Poursuivis par des Maures cruels et bien décidés à les décimer et mis à mal par une nature hostile où la saison des pluies est aussi dangereuse que la saison sèche, Mungo Park et les siens sombreront au fil des jours sans avoir atteint le but de leur mission.
Voici retracé le fil conducteur de cet énorme roman de 830 pages, dense à souhait et librement inspiré de faits historiques. Si j'ai pris le parti d'exposer une forme de résumé, c'est parce que l'intérêt du roman dépasse largement le simple exposé des éléments chronologiques. Ce que je dévoile n'est que le squelette de l'ouvrage sur lequel l'artiste a construit son oeuvre.
Boyle est un très grand écrivain. Les destins croisés qu'il propose au lecteur ne servent pas uniquement la trame narrative, mais exposent des personnages complexes à la personnalité fouillée. Chacun est disséqué, analysé et interagit dans l'histoire avec justesse, héros en tête de file et seconds rôles compris.
Boyle prend le temps de peaufiner tous les instigateurs de l'aventure, même les plus modestes et donne ainsi un volume et une force incomparables à son récit.
La finesse de la relation intime entre Mungo et sa femme est un modèle du genre, digne d'un Flaubert ou d'un Henry James.
Et que dire de cette analyse fine et complète d'un univers où la nature et les cultures sont détaillées avec une extrême minutie au bénéfice d'un lecteur émerveillé par les découvertes que recèle chaque page… La faune, le climat, la végétation, les transformations au fil des saisons, les maladies tropicales, tout est scrupuleusement inventorié de manière presque scientifique.
D'autre part, la beauté de la langue, teintée de poésie parfois, d'humour souvent, de figures de style chatoyantes et de richesse dans le vocabulaire, et qui rendent la lecture envoûtante. Personnellement, il m'aura fallu une bonne centaine de pages pour entrer dans cet univers si particulier et complexe. On est désorienté dès les premières pages. Plusieurs fois j'ai dû faire appel au dictionnaire pour comprendre le sens de certains mots rares ou scientifiques, ou pour situer des lieux géographiques qui m'étaient inconnus…
Il est vrai qu'un effort important est nécessaire pour apprécier toutes les subtilités d'écriture de ce grand écrivain américain, mais cet effort est vite récompensé par un plaisir incomparable et rare.
Water Music est certainement un chef d'oeuvre pour qui saura embrasser la richesse et la diversité du roman, roman au niveau des ouvrages de Dickens, auteur de référence pour Boyle. Ce fut son premier succès et il me tarde de découvrir ceux qui l'ont rendu célèbre en France : America et Au bout du Monde, récompensés par de nombreux prix prestigieux.

Michelangelo 2/02/2021

Lien : http://jaimelireetecrire.ove..
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