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Critique de Papyrusdunil


Après « Il n'est de pire aveugle », marquante et mémorable plongée dans l'Irlande de l'éminent John Boyne, j'ai voulu poursuivre mon exploration de cet auteur avec ce gros pavé de plus 860 pages ! Les fureurs invisibles du coeur couvrent le destin d'un jeune irlandais, homosexuel, né à la fin de la deuxième guerre mondiale, jusqu'en 2015 où s'achève le récit.
Né d'une jeune irlandaise bannie de son village en raison d'une grossesse hors mariage, le bébé Cyril est adopté par une famille aisée de Dublin dans laquelle il grandit sans réel amour ni éducation, un peu comme une herbe folle. Carences affectives, désintérêt de ses parents adoptifs excentriques, font de lui un adolescent fragile, sensible et peu affirmé, d'autant qu'une orientation sexuelle envahissante et déstabilisante le condamne à la dissimulation.
N'ayant personne à qui se confier, Cyril s'enferme dans le non-dit et les mensonges, sombrant dans une quête homosexuelle effrénée, multipliant les expériences sordides et sans lendemain, ainsi que les mises en danger, dans un pays profondément rétrograde où l'homosexualité est un délit qui entraîne arrestation, maltraitance et rejet.
L'auteur s'appesantit très longuement sur cette partie où Cyril est en pleine dérive, incapable d'assumer son identité et ses choix affectifs, (particulièrement durant sa liaison avec Mary-Margaret), donnant d'ailleurs de lui une image peu reluisante, malsaine, avec de nombreux passages centrés sur ses pulsions sexuelles, les rencontres plus ou moins sordides, les échanges ambigus. Et même si la lourdeur du préjugé social lui sert de circonstances atténuantes, j'ai eu du mal à m'attacher au personnage principal dont on ne sait finalement pas grand chose hormis qu'il est homo et qu'il fait semblant d'être hétéro.
En raison de la quête identitaire obsessionnelle du héro à la limite de la perversion, doublée d'une forme de vacuité intellectuelle elle-même proche de la névrose, (du moins de ce que nous en laisse percevoir l'auteur), le roman a failli me tomber des mains!

Par bonheur, je me suis accrochée et dès la partie II, intitulée « L'exil », où l'on retrouve Cyril dans les années 80 conservateur du musée Ann Franck à Amsterdam, j'ai repris goût au récit. Les circonstances de sa rencontre avec Bastiaan, son futur compagnon, ont incontestablement ré-ouvert la narration et relancé l'intérêt. A travers l'histoire d'amour de Cyril qui connait enfin le bonheur et la paix intérieure, on perçoit le drame qu'a pu être sa jeunesse dans un pays répressif et intolérant auquel s'ajoute le malheur de vivre les années SIDA, dont il est question lorsque le couple quitte Amsterdam pour NY où Adriaan, médecin et chercheur, travaille sur la maladie qui est en train d'y faire des ravages.
La fin du roman nous offre un texte beaucoup plus fluide au service d'une narration plus enlevée, plus riche en rebondissements et en événements notables…

J'ai finalement beaucoup apprécié cette lecture. le tableau que dresse John Boyne de son Irlande natale, conservatiste, étriquée, puritaine et rétrograde, mais qui malgré tout a évolué au tournant du 21e siècle est assez passionnant. L'auteur réussit à faire passer un vrai message qui, tout en subtilité et en finesse, donne de l'homosexualité une image infiniment humaine, respectable, respectueuse aussi, même si je regrette personnellement que la psychologie hors sexualité de Cyril n'ait pas été aussi fouillée que je l'aurais souhaité (Quid de ses goûts, de ses centres d'intérêt, et de sa profession...).
Je pense enfin que ce roman aurait gagné à être allégé d'une bonne centaine de pages faites de redites et de situations sans grands reliefs, dans la partie qui concerne l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte du héros.
Malgré ces quelques restrictions, j'en conseille vivement la lecture, pour tout le reste.
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